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Géopolitique : Pourquoi les résistants du Hamas ont-ils attaqué Israël ?

Géopolitique : Pourquoi Les résistants du Hamas ont- ils attaqué Israël ?

Géopolitique : Pourquoi les résistants du Hamas ont-ils attaqué Israël ?

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Bande de Gaza Lundi 16 octobre 2023. CCN. Samedi dernier le Hamas organisation politico-militaire a pénétré en Israël et causé la mort de plus d’un millier d’israéliens. De leur côté, les soldats israéliens en guise de représailles, ont puissamment bombardé Gaza qui est depuis totalement bloqué : pas d’eau, pas d’électricité. Si rien n’est fait au niveau international les 2 millions de Gazaouis qui vivent dans ce territoire de 430 km2 connaîtront une catastrophe humanitaire sans précédent. Les médias Mainstream et la classe politique du même niveau, ne cessent de qualifier le Hamas d’organisation “terroriste”. Mais alors que dire alors de l’action des sionistes ? En effet durant les 11 années qui ont mené à la création de l’État d’Israël en Palestine en 1948, les extrémistes sionistes qui vivaient sur le territoire de la Palestine sous le mandat britannique utilisèrent le “terrorisme” comme stratégie militaire afin d’accélérer l’établissement d’un État juif indépendant. L’offensive militaire lancée par le Hamas n’a qu’un objectif chasser les colons israéliens de la Palestine et à terme la création d’un état palestinien. L’analyse de Dimitri Lasserre, correspondant international de CCN

Pour reprendre la maxime léninienne, il n’y a pas de pratique révolutionnaire sans théorie révolutionnaire. Nous vivons un moment de l’histoire dans lequel la pratique heurte la théorie, dans lequel la théorie se confronte à la pratique. C’est sans doute le moment d’éprouver la théorie, mais aussi d’adopter le comportement qui lui correspond. Le conflit israélo-palestinien, comme d’autres guerres coloniales, se laisse appréhender par la théorie marxiste, et aussi par les approches décoloniales – qui, au fond, sont des théories marxistes hétérodoxes. Il se laisse appréhender de manière abstraite mais, concrètement, quand le conflit éclate, quand il y a des crimes, des rapts, des ripostes, des civils tués, des propos visant à nier l’humanité des uns et des autres, s’exprimer devient toujours plus délicat, et aussi plus difficile et plus risqué.

 

Une sorte de chasse aux sorcières s’est installée. L’appareil médiatique qualifie la FI de parti pro-terroriste, au motif que ses représentants, bien qu’ils soutiennent son peuple, refusent de se ranger derrière l’État d’Israël. Sous la plume fainéante de ces médias qui ont plus le souci du chiffre que du vrai, tout soutien d’un peuple équivaut à soutenir un Etat. Inutile d’apporter la contradiction tellement cette idée est absurde. Pourtant c’est désormais une idée ordinaire. Sur les réseaux sociaux, tout soutien au peuple palestinien est automatiquement suspecté d’antisémitisme et de sympathie pour les crimes de guerre. Dénonciations, calomnies, mensonges, sont monnaie courante. Ces mêmes défenseurs des populations civiles, si prompts à se positionner en juges moraux, n’ont pourtant pas un mot pour les Palestiniens.

 

Le Hamas ? Des « chiens », des « sous-chiens », des « animaux », des « démons ». Voilà ce qui se lit, voilà ce qui se dit, voilà même ce qui sort de la bouche du ministre de la défense israélienne : « Pas d’électricité, pas d’eau, pas de gaz. Tout est fermé. Nous combattons des animaux et nous agissons en conséquence ». Tels sont ses mots. Pour combattre les « animaux » du Hamas, il faut plonger la bande de Gaza dans l’insalubrité, s’assurer que les civils n’aient ni eau, ni électricité, ni gaz. Sur le fond, ceux qui ont de l’amitié pour Israël reprochent au Hamas de déshumaniser les Israéliens, ils lui reprochent son antisémitisme viscéral. En réponse, il leur convient tout à fait de procéder de même. Étonnante éthique. Nier l’humanité, même d’un criminel, même d’un terroriste, est le prétexte par lequel on perd soi-même ce qu’il nous reste d’humain. De quelle grandeur d’âme peuvent se prévaloir ces moralisateurs ? Ils n’en ont aucune. Rappelons que le gouvernement israélien est essentiellement composé de partis d’extrême droite. L’extrême droite aime bien qualifier les humains d’animaux.

Mais revenons-en à la théorie. Très simplement, le LKP, dans son communiqué du 8 octobre, se positionne dans une posture rigoureusement anticoloniale. Le LKP reprend le rapport d’Amnesty International, en rappelant que les Palestiniens subissent un régime d’apartheid, et fait de « l’occupation militaire de la Palestine et la chasse aux Palestiniens mise en œuvre par l’État Israélien, avec le soutien de la France, des USA et de l’ONU notamment », les « causes principales de la guerre ». Le LKP en appelle à la souveraineté du peuple palestinien. Doux rêve : il faudra se débarrasser de la subordination d’Israël, de celle du Hamas et, ne l’oublions pas, de celle du capitalisme. Mais sans rêve, il n’y a pas d’action, rien que de l’inertie.

Droit dans ses bottes, le LKP est radicalement décolonial. Il parvient à exprimer, depuis les Antilles, des propos maltraités ici, où la liberté d’expression – pas celle de dire n’importe quoi, n’importe comment, mais celle de dire ce qui est vrai – est de plus en plus menacé. Aux Antilles, on rêve de la fin du colonialisme en Palestine. Ici, on rêve de pouvoir dire que l’on partage ce rêve. Poser le problème en termes de colonialisme est même presque impossible. C’est tout comme si la situation coloniale n’existait pas en Israël, ou comme si elle était normale, comme si elle allait de soi. Après tout, les Palestiniens peuvent bien s’y faire. Pourquoi opposent-ils autant de résistance ? Enfin, c’est dans l’ordre des choses que l’Etat d’Israël colonise la Palestine. Comment osez-vous en discuter ?

Pourtant la question se pose en termes décoloniaux. Mais que faut-il entendre par là ? L’approche décoloniale est irréductible au seul appel à la fin de la colonisation. Elle intègre plutôt cet appel au sein du processus plus large de colonialité – comme sa conséquence, comme sa résistance. Le fait de la colonisation de la Palestine n’est pas vraiment discutable. Cette colonisation s’ancre dans un fonctionnement économique et politique plus vaste. Elle a quelque chose à voir avec le capitalisme, avec son organisation, avec sa division du travail et des races. Car le décolonialisme ne perd pas de vue, sinon derrière mais conjointement à la lutte des classes, la lutte des races. Par race, s’il faut le rappeler, on entend une construction sociale et non une réalité biologique. C’est un point central des approches décoloniales : la lutte des classes et la lutte des races sont matériellement et historiquement consubstantielles. La controverse de Valladolid construit, au sein d’un capitalisme émergent, un racisme sur mesure. Le capitalisme exploite le prolétariat. Mais tous les prolétaires ne se valent pas. Les non-blancs valent moins que les autres.

Cette idée est difficilement assimilée par les progressistes blancs, qui pensent que la lutte des races est subordonnée à la lutte des classes, qu’elle n’est qu’une conséquence du capitalisme. Et puis, pour ses représentants les plus caricaturaux et les moins cultivés, parler de lutte des races, c’est déjà être racisme. Pour une certaine gauche blanche, désigner le problème du racisme pour mieux le combattre, c’est être raciste. Comment en sommes-nous arrivés là ? Pourquoi l’indigence intellectuelle prend-elle systématiquement la parole à notre place ?

Les juges moraux enjoignent chacun d’entre nous à « condamner les violences et les crimes du Hamas ». Une fois la condamnation faite, on ne va pas plus loin. Vous avez condamné ? C’est bien ! Vous n’avez pas condamné ? Comment ça ? Qu’est-ce que vous attendez ? Condamnez ! Allez, plus vite ! Ah, enfin, vous condamnez vous aussi. C’est bien, nous condamnons tous. Celui-ci n’a pas condamné ? Soit, nous l’afficherons, nous lui demanderons des comptes, nous lui règlerons son compte. Quand l’intelligence et l’honnêteté ont déserté les esprits, heureusement, il reste encore la morale.

Non qu’il ne faille condamner les crimes de guerre, puisqu’il va de soi qu’ils sont condamnables. Le problème tient plutôt à savoir pourquoi cette condamnation morale est devenue si fondamentale. En quoi condamner permet-il d’avancer ? En quoi condamner permet-il de comprendre ? Si on s’en tient à la condamnation, la colonisation perdure, et avec elles ses crimes de guerre. Ça leur fait une belle jambe, aux colons israéliens et au Hamas, les condamnations morales. Ou alors ces petits juges estiment peut-être que le bas peuple est une masse de sociopathes qui ne condamnent pas moralement les assassinats et les kidnappings de civils ; alors ils cherchent à s’en assurer. Vous n’êtes pas sociopathes, pas vrai ? Mais quelle bande de clowns.

Une sorte de chasse aux sorcières s’est installée. L’appareil médiatique qualifie la FI de parti pro-terroriste, au motif que ses représentants, bien qu’ils soutiennent son peuple, refusent de se ranger derrière l’État d’Israël. Sous la plume fainéante de ces médias qui ont plus le souci du chiffre que du vrai, tout soutien d’un peuple équivaut à soutenir un Etat. Inutile d’apporter la contradiction tellement cette idée est absurde. Pourtant c’est désormais une idée ordinaire. Sur les réseaux sociaux, tout soutien au peuple palestinien est automatiquement suspecté d’antisémitisme et de sympathie pour les crimes de guerre. Dénonciations, calomnies, mensonges, sont monnaie courante. Ces mêmes défenseurs des populations civiles, si prompts à se positionner en juges moraux, n’ont pourtant pas un mot pour les Palestiniens.

Le Hamas ? Des « chiens », des « sous-chiens », des « animaux », des « démons ». Voilà ce qui se lit, voilà ce qui se dit, voilà même ce qui sort de la bouche du ministre de la défense israélienne : « Pas d’électricité, pas d’eau, pas de gaz. Tout est fermé. Nous combattons des animaux et nous agissons en conséquence ». Tels sont ses mots. Pour combattre les « animaux » du Hamas, il faut plonger la bande de Gaza dans l’insalubrité, s’assurer que les civils n’aient ni eau, ni électricité, ni gaz. Sur le fond, ceux qui ont de l’amitié pour Israël reprochent au Hamas de déshumaniser les Israéliens, ils lui reprochent son antisémitisme viscéral. En réponse, il leur convient tout à fait de procéder de même. Étonnante éthique. Nier l’humanité, même d’un criminel, même d’un terroriste, est le prétexte par lequel on perd soi-même ce qu’il nous reste d’humain. De quelle grandeur d’âme peuvent se prévaloir ces moralisateurs ? Ils n’en ont aucune. Rappelons que le gouvernement israélien est essentiellement composé de partis d’extrême droite. L’extrême droite aime bien qualifier les humains d’animaux.

C’est bon, nous avons condamné. Nous pouvons dès lors commencer à réfléchir. La violence du Hamas n’est pas sans raisons. Au sens métaphysique, rien n’existe sans raison. Il en va de même pour cette violence. La tentation, à droite, est de réduire ces raisons à l’islamisme radical, ainsi qu’aux dispositions psychologiques des fanatiques musulmans. La droite, c’est-à-dire les défenseurs du paradigme individualiste, les amis du capitalisme, aliénés ou non, les racistes, conscients ou non, ont l’habitude d’expliquer des faits sociaux en les dépouillant de toute dimension sociale. Ils semblent ignorer l’existence de la société, de ses normes et de ses mécanismes les plus rudimentaires. Sociopathes ?

Quand on dépasse cette analyse ridicule, on en vient généralement à se demander quelles sont les causes de l’islamisme radical et des dispositions psychologiques qui l’accompagnent en Palestine. Ainsi la réflexion se trouve-t-elle réinvestie de l’histoire, de l’économie, de la sociologie, de la politique, bref, de la société. La thèse décoloniale considère que la colonialité n’est pas étrangère à ce genre de phénomène. Non qu’il faille sans cesse renvoyer à Fanon, mais c’est un bon début. La violence du colonisé est une réaction à la violence coloniale. En d’autres termes, sa raison d’être est la violence coloniale. La colonialité, dans ses rapports matériels à la réalité, produit de la violence. Le colon ne peut rester en place qu’à la condition d’une violence et d’un contrôle permanent. S’il ne fait peser aucune menace, il se fait chasser. Plus la violence est forte, plus la riposte le sera. C’est inévitable. Le colon a affaire à un peuple écrasé. Seuls les plus radicaux, les plus extrémistes, les plus jusque-boutistes, sont capables de lui faire face – c’est-à-dire ceux dont l’idéologie est assez forte pour qu’elle justifie qu’ils soient prêts à sacrifier leur vie, quitte à menacer celle de leurs semblables. On rêverait d’une révolution anticoloniale sans armes, sans violences, sans inanités, sans idéologies obscurantistes. On peut toujours rêver. Cela n’existe pas et n’existera jamais à l’intérieur d’un régime colonial agressif et expansionniste.

Autre face de la colonialité, la modernité. La modernité, c’est l’épistémologie du colon, du centre, dit le décolonial, qui s’étend vers la périphérie, afin de lui faire intégrer un certain type de valeurs, de croyances, une adhésion à un certain progrès. En fait, cette épistémologie porte un nom : l’idéologie capitaliste et coloniale, capitaliste et raciste. La modernité n’y est pas pour rien dans la grand-messe des condamnations morales. Le Hamas apparaît comme une anomalie. Il ne s’intègre pas dans la modernité. Ses membres, désintégrés par elle, cherchent à leur tour à la désintégrer. Ce sont deux mondes qui se font face, deux épistémologies, deux idéologies. Et elles sont incompatibles. Une porte de sortie qui évite un bain de sang est-il envisageable ? Sauf à ce que les uns et les autres s’extirpent de la modernité, on voit mal une issue heureuse. Les premiers parce qu’ils n’y ont pas intérêt, les seconds parce qu’ils n’existent que par elle. Si la modernité et le monde colonial qui l’accompagnent ne disparaissent pas, seule l’élimination concrète de chacun de ses membres mettra un terme au Hamas. Autant le dire, rien n’y mettra un terme. Et s’il disparaît, une autre organisation du même genre ne devrait pas tarder à ressurgir.

Les marxistes orthodoxes ont parfois des difficultés à saisir les liens entre colonialité, racisme et capitalisme. Qu’ils entendent cela. L’agenda du capitalisme est indexé aux intérêts de la classe bourgeoise. Cette classe a-t-elle le moindre intérêt à faire cesser la colonisation de la Palestine ? Non. Les crimes concrets du Hamas servent par ailleurs un discours abstrait visant à stigmatiser de plus en plus les musulmans réels, assimilés à des terroristes en puissance. J’ose le dire, parce que c’est vrai. Ainsi tout musulman est inévitablement suspect. Chez nous, chez les blancs, le musulman est l’ennemi intérieur sur lequel il faut toujours garder un œil. Les attaques du Hamas n’affaibliront pas cette vision du monde. Et c’est très bien. Les blancs continueront à voter pour le Front National, et perpétueront la lutte des races. Autant le dire, en l’état, la lutte des classes est perdue d’avance.

Il n’y a pas, chez nous, les blancs, l’équivalent du LKP. Le LKP existe en pays assujetti à la colonialité du pouvoir. Le LKP rejette les rapports de domination coloniale comme il rejette la modernité et ses penchants assimilationnistes – pour ne pas dire aliénants et déshumanisants. Le blanc ignore tout de ses rapports. Quand il n’est pas à leur initiative, il ne les subit pas. Il n’en est pas conscient. Soyons charitables, s’il vous plaît. Les blancs ont besoin d’aide. Ils ont besoin de comprendre qu’ils sont blancs. Sans cela, ils continueront à condamner. Leur conscience morale sera lavée. Mais leurs mains seront toujours sales des victimes du colonialisme et du capitalisme.

Dimitri Lasserre est professeur de philosophie dans le secondaire, chercheur en philosophie.professeur de philosophie dans le secondaire, chercheur en philosophie.

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