Lamentin. Vendredi 14 février 2020. CCN. Salle comble pour la table ronde organisée par l’association Nouvèlvwa et l’INRAE jeudi dernier à la salle des fêtes du Lamentin. Plus de 350 personnes sont venues participer à ce débat public sur le développement de la filière fruit-à-pain (FAP) dans notre pays.
Le programme prévoyait que les échanges soient introduits par une rétrospective des actions de Nouvèlvwa, suivie d’un compte rendu des travaux effectués lors de quatre ateliers sur le fruit-à-pain, organisés en juin 2019 en partenariat avec l’INRAE pour marquer les 70 ans de l’institut. Mais l’engouement de certains participants était tel que les discussions – avec une passion non dissimulée ! -furent très tôt amorcées.
A l’évocation du gaspillage de fruits de saison maintes et maintes fois constaté aux abords de nos routes et dans les jardins privés, la restauratrice Colette Chicot interpelle sur ses difficultés d’approvisionnement : « Les propriétaires préfèrent laisser pourrir les fruits aux pied des arbres ! Ils ne veulent même pas vendre, encore moins donner ». Avec pertinence, le jeune Sidney Henery, pépiniériste et agriculteur, questionne : « Comment garantir la traçabilité requise en restauration sur de la collecte domestique ? J’entends parler d’aliments pour bébés. C’est un domaine dans lequel on n’a pas droit à l’erreur. Il faut par ailleurs garantir la viabilité économique d’un tel procédé, coûteux en temps et en transports, face aux exigences du marché actuel ». Une autre participante évoque l’étroitesse du cadre statutaire et la rigidité du cadre normatif qui ne favorise pas la croissance en autonomie de nos régions : « Faut-il tout adopter et se conformer ? ou alors adopter le cadre qui permettra d’adapter la conformité à nos moyens et capacités ? ».
Une entreprise de recherche participative sur une zone pilote
Le pré-projet de recherche participative sur une zone pilote que propose de co-construire l’INRAE et Nouvèlvwa entend porter des réponses à ces questions. Il s’appuie sur une collaboration active avec nos voisins Caribéens souligne Harry Ozier Lafontaine, président de l ‘INRAE : « Les ateliers FAP de juin 2019 ont été introduits par le retour d’expérience du Dr Laura Roberts-Nkrumah de l’Université de West Indies (UWI) à Trinidad et Tobago. Grâce aux contributions des participants (professionnels, chercheurs et autres partenaires) des pistes ont émergé pour élaborer un plan d’action destiné à évaluer le marché et structurer les circuits de collecte et de distribution, réussir la culture de l’arbre-à-pain, valoriser le fruit-à-pain et ses co-produits et accompagner techniquement et financièrement la structuration de la filière ». Cette collaboration avec nos voisins de la région est un pas commun vers une nécessaire évolution des modèles de consommation car ces pays sont également sous perfusion, tout aussi dépendants que nous de l’importation en denrées alimentaires.
Ce schéma est aujourd’hui remis en cause par le changement global, et plus particulièrement le changement climatique. Les recommandations de la FAO sont aujourd’hui en faveur de la relocalisation des productions et de leur diversification, en lien avec l’aménagement des transitions écologique, alimentaire et énergétique. Les cadres des lois Egalim et Avenir sont par ailleurs plus favorables au développement de cette souveraineté alimentaire qui pour durablement exister sur d’aussi petits territoires que les nôtres nécessite la coopération scientifique, technique et commerciale avec les territoires voisins.
De nombreux pionniers valorisés
La soirée de jeudi a également permis de mettre en lumière le travail émérite de ces nombreux pionniers du FAP en Guadeloupe. Roberte Boisseron de l’association Lyann a témoigné du travail colossal accompli en 15 ans. Eddy Babel et ses fameux livres de recette et de chansons dédiés au fruit-à-pain était également au rendez-vous. Le jeune chercheuse Rachelle Lollia a présenté Tipo péyi un ouvrage très pratique pour bébés « locavores ». Encouragée par une participante, l’auteure a souligné une fois de plus l’importance de l’alimentation des mères pour que le nourrisson s’habitue dès la phase d’allaitement aux « saveurs locales ».
L’atelier FAP de l’association Nouvèlvwa, l’agro-transformateur Franck Vanheinegen et la restauratrice Rose Eliane ont régalé l’assistance de spécialités à base de fruit-à-pain et autres produits du pays.
Les échanges entre les participants au débat, animé par Claude Hoton (ingénieur culturel) et Nathalie Minatchy (docteure en alimentation), ont brillamment étés synthétisés par Jean-Louis Diman (Ingénieur d’Etude INRAE) et Thierry Noglotte (Consultant). Une communication de cette synthèse et des avancées sur le pré-projet sont prévues lors de la Fête du fruit-à-pain qu’organise l’association Nouvèlvwa en juin. C’est une filière à suivre !