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Le massacre de la Saint-Valentin

Le massacre de la Saint-Valentin

Pawol Lib (Libre Propos) est une nouvelle rubrique de CCN. Notre rédaction propose donc à tous les progressistes qui le souhaitent un espace de communication, une tribune dont le but principal est de porter une contribution au débat d’idées qui fait cruellement défaut dans notre pays. Les points de vue exprimés dans « Pawol Iib » n’engageront pas nécessairement la ligne éditoriale de CCN mais il nous semble indispensable que les intellectuels, la société civile aient la possibilité de pouvoir très librement opiner dans nos colonnes. Cette fois,  le Cartel Intersyndical qui nous soumet son billet.

Le 14 février 1952, les forces de l’ordre ont fait usage de leurs armes dans la ville du Moule: 4 morts et 11 blessés. Soixante huit ans après les faits, il convient de s’en souvenir en confrontant la version policière publiée par le Ministre de l’Intérieur de l’époque et celle du Cartel Intersyndical qui a réagi à cette version dans un tract intitulé «L’infamie de la version policière des événements du Moule».

Journal France Soir du 15 février 1952.

«Le Ministre de l’Intérieur, Charles BRUNE, a publié un communiqué sur les incidents qui se sont produits jeudi dernier au Moule, dans la Guadeloupe:

Une violente échauffourée, dit notamment ce document, a été provoquée par un groupe de plusieurs centaines de grévistes conduits par des meneurs C.G.T. qui, après avoir tenté de faire débrayer le personnel d’un centre industriel, se sont attaqués au service d’ordre mis en place pour assurer la liberté du travail.

Plusieurs coups de feu tirés des rangs des manifestants, blessant un officier et plusieurs gendarmes et C.R.S. . Des bombes incendiaires furent également lancées sur le service d’ordre. Se trouvant en état de légitime défense, celui-ci dut faire usage de ses armes. On déplore trois morts et neuf blessés graves parmi les assaillants. Les dispositions prises par le Préfet de la Guadeloupe ont permis le rétablissement de l’ordre».

L’infamie de la «version policière» des événements du Moule.

Il nous appartient de faire un récit objectif.

Le huit février, des grévistes étaient aux prises avec le service d’ordre à Morne à l’Eau. Dix travailleurs furent blessés, un C.R.S. fut atteint d’une pierre à la joue, un gendarme eut les mains et le visage brûlés par une grenade qu’il allait lancer sur les grévistes et qui explosa pendant qu’il la tenait encore. On prétend qu’au cours de cette bagarre, le service d’ordre «perdit la face» et qu’un désir de revanche naquit chez les gendarmes et les C.R.S. humiliés d’avoir rencontré de la résistance dans les rangs des grévistes, du côté des «nègres» qui n’avaient pas hérité de la prétendue placidité et de la peur de leurs aïeux.

Le bruit circula que les C.R.S. feraient usage de leurs armes au moindre incident qui les opposerait à la population. Certaines familles du Moule furent même invitées à quitter la localité pour quelques jours. Alors, dans cette ville paisible, la provocation fut systématiquement organisée par les forces policières de la Rosette, à telle enseigne que le Maire adressa un télégramme au Préfet (Gaston Villéger) pour lui demander le retrait des C.R.S. de sa commune et exhorta ses administrés au calme afin qu’ils ne tombent pas dans un piège si grossièrement tendu.

Aucun gouverneur, aucun préfet n’a travesti la vérité avec autant de mauvaise foi, car nous affirmons que le calme régnait au Moule au début de la journée du 14 février, avant l’arrestation du jeune Abouna, arrestation opérée uniquement dans le but de faire sortir la population de cette attitude de ferme tranquillité.

Le massacre commença à 11 heures, à 5 km. de l’usine Gardel, à proximité du cimetière et sans les sommations d’usage, pendant que le Maire et les délégués du Cartel intersyndical s’entretenaient avec M. Amédée Aubéry et obtenaient de lui la fermeture momentanée de l’usine. A aucun moment des responsables cégétistes n’ont dirigé une action contre les gendarmes et les C.R.S. puisqu’il n’y avait pas de grévistes dans le bourg et le Cartel dément formellement que des coups de feu aient été tirés par la population désarmée du Moule.

Comment faire admettre qu’après une attaque soutenue par plusieurs centaines de grévistes armés, quatre morts et onze blessés graves, atteints pour la plupart dans le dos par les balles des mousquetons et des mitraillettes, ne se trouvent que du côté des «assaillants»?

Comment se fait-il que deux semaines après ces tragiques événements, on ne peut identifier les prétendus blessés se trouvant dans le camp des «assaillis»?

Les hôpitaux attendent vainement, depuis le 14 février, l’officier du service d’ordre, les gendarmes et les C.R.S. qui auraient été blessés, à en croire le communiqué officiel.

Le Cartel affirme que près de 300 coups de feu ont été tirés au Moule le 14 février par le service d’ordre ainsi que l’attestent les nombreuses balles retrouvées sur le champ du massacre et les nombreuses cibles-témoins comme le mur du cimetière, le transformateur, les façades des maisons, les meubles, les ustensiles de ménages transformés en passoires, etc.

Le préfet aura beau utiliser l’appui de quelques autochtones qui attendent de lui, on ne sait quel service, il aura beau miser sur la division savamment organisée des Guadeloupéens, il ne pourra jamais blanchir ses mains, il ne pourra jamais effacer, même chez ceux qui feignent de lui témoigner de la sympathie dans les réunions publiques non interdites, le triste souvenir de son administration rétrograde et sanglante, il ne pourra jamais consoler les familles si tragiquement endeuillées et les orphelins si cruellement éprouvés de la ville martyre.

La Guadeloupe n’avait pas besoin d’un préfet de carnaval pour masquer le vrai visage de la France émancipatrice et pacifique. Pour le préfet et ses conseillers, le prestige du «blanc» ne peut s’exprimer que par l’usage inconsidéré des mousquetons, mitraillettes et autres armes de guerre, et la diffusion par la Radio et le journal local Nouvelliste de communiqués tendancieux et mensongers, doit atteindre un triple objectif:

a) Minimiser les responsabilités du Préfet.

b) Diviser les travailleurs.

c) Intimider le Cartel intersyndical.

Le Patronat compte sur cette propagande perfide pour briser la combativité de la classe laborieuse. Pour nous, les atteintes portées aux libertés démocratiques (interdiction des réunions publiques, tentative de juguler la grève, emprisonnements, blessures, meurtres, etc.) demeurent des mesures fascistes et colonialistes incompatibles avec la dignité de la personne humaine.

Cette répression féroce soulève l’indignation de tous les honnêtes gens et ne manquera pas de raviver les stupides inimitiés de race. Cette façon d’administrer, si préjudiciable aux intérêts de la France dans le Bassin Caraïbe, ne se prolongera pas.

Le peuple de France est renseigné. Il sait qu’au-dessus des gendarmes, C.R.S., fusillers – marins, il y a l’unité d’une classe farouchement exploitée, réclamant le retour aux libertés traditionnelles et la formation d’un Gouvernement de paix sociale.

Il sait que Caïn, pas plus que Lady Macbeth, leur forfait accompli, n’ont jamais retrouvé le calme sommeil de l’innocent. Et les flots de la Mer des Antilles et de l’Océan Atlantique n’arriveront pas à blanchir les mains rougies du sang des martyrs de la classe ouvrière guadeloupéenne.

Le Cartel Intersyndical.

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