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Guadeloupe. Colorisme. L’héritage colonial influence t-il notre image de soi et de notre rapport à la beauté ?

Guadeloupe. Colorisme. L'héritage colonial influence-t-il notre image de soi et notre rapport à la beauté ?

Guadeloupe. Colorisme. L'héritage colonial influence-t-il notre image de soi et notre rapport à la beauté ?

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by Imane Sioudan

Pointe-à-Pitre. Dimanche 27 octobre 2024. CCN. L’image de soi, notamment dans nos sociétés post-coloniales, est profondément marquée par des siècles de domination extérieure, d’influences euro centrées et de dynamiques de pouvoir. Ces héritages ont imposé aux afro descendant(es)des normes de beauté, de comportement et de réussite qui ne correspondaient pas à notre diversité, marginalisant ainsi les caractéristiques afro et indo descendantes. Mais depuis quelques années, une très grande majorité de femmes (et aussi les hommes) ont consciemment abandonné les “chivé féré”. Le mouvement “nappy” s’est alors répandu chez les Afro descendantes. Avec “Peau Noire et Cheveu crépu” (Ed Jasor). La sociologue martiniquaise Juliette Esmeralda a d’ailleurs consacré un ouvrage à cette cette question.

Aujourd’hui, de plus en plus de femmes afro descendantes dont un retour au naturel, à la fois comme une forme de réappropriation identitaire et comme un rejet des standards inconsciemment imposés par la domination coloniale et l’aliénation

Ce mouvement, qu’il s’agisse de l’acceptation des cheveux crépus (roots), de la célébration des différentes teintes de peau ou du rejet des artifices suggérés par l’industrie cosmétique, s’impose comme l’une des voies puissantes d’émancipation.

Mais peut-on vraiment se libérer des standards hérités de l’histoire coloniale uniquement par la voie du retour au naturel ? N’y a-t-il pas aussi besoin de réfléchir à d’autres formes d’émancipation pour décoloniser l’image de soi et réinventer nos propres critères de beauté ?

L’Héritage Colonial et l’Image de Soi

Pendant des siècles, le colonialisme a imposé des normes de “beauté” qui valorisaient ceux qu’on appelaient les “bien sortis” avec leur peaux “chapés” , métissées et claires, cheveux lisses, traits fins.

Ce modèle a dévalorisé les caractéristiques africaines, comme les cheveux crépus, les teintes de peau plus foncées, et les morphologies robustes. Ce phénomène, nommé colorisme, a non seulement créé des divisions au sein de la société, mais a aussi imposé une hiérarchie sociale, parfois professionnelle, subtile basée sur la proximité avec les traits européens.

En conséquence, l’image de soi des individus, notamment celle des femmes en Guadeloupe, a souvent hélas été façonnée par ces concepts eurocentrés.

L’image perçue – c’est-à-dire la manière dont une personne pense que la société la voit – reste encore influencée par ces anciennes dynamiques. Celles qui n’adhèrent pas à ces normes, ou ne s’en rapprochent pas, peuvent se sentir marginalisées ou invisibilisées.

L’image idéale, quant à elle, continue de représenter cette quête d’une perfection inatteignable, souvent imposée par des standards de beauté étrangers à la réalité de notre pays.  Pour de nombreuses femmes, cette quête peut créer une profonde dissonance entre ce qu’elles aspirent à être et ce qu’elles ressentent être réellement.

Le Retour au naturel : Une Voie d’Émancipation ?

Face à cette déconnexion entre l’image perçue, idéale et ressentie, le retour au naturel est devenu une voie privilégiée pour de nombreuses femmes, notamment dans les sociétés coloniales et post-coloniales, pour se réapproprier leur corps et leur identité. Qu’il s’agisse d’accepter ses cheveux crépus, de célébrer sa teinte de peau, ou de valoriser des pratiques de beauté traditionnelles, le retour au naturel symbolise une rupture avec les normes coloniales coloristes

Ce mouvement est une forme d’émancipation mentale et physique. En se détachant des critères de beauté imposés, les individus peuvent se reconnecter à leur authenticité et valoriser leur singularité. Cela contribue à décoloniser l’esprit en rejetant les idéaux de beauté eurocentrés, en embrassant la diversité des corps et en célébrant les racines culturelles.

Les dérives possibles du retour au naturel

Cependant, comme tout mouvement, le retour au naturel n’est pas exempt de dérives.

Parfois, un nouvel espace de liberté peut devenir un nouveau standard contraignant. Certaines femmes peuvent ressentir une pression pour adopter un certain style de cheveux naturels, par exemple, ou pour éviter tout produit chimique dans leur routine de soin.

Ce qui devait être un mouvement d’émancipation peut alors devenir un espace de jugement ou d’élitisme, excluant celles qui ne se conforment pas au “naturel” idéal.

De plus, le naturel, en tant que tendance, a été largement récupéré par l’industrie de la beauté, qui commercialise des produits dits “bio”, “éthiques”, ou “éco-responsables”. Si cette tendance peut être positive en termes de respect de l’environnement, elle peut également contribuer à une forme de consumérisme “vert”, où l’authenticité est vendue comme un produit, souvent inaccessible pour une grande partie de la population.

Vers un équilibre : Quelles solutions ?

Si le retour au naturel est une voie d’émancipation, il n’est pas la seule.

L’émancipation véritable doit passer par un équilibre entre plusieurs dimensions de soi. Il ne s’agit pas seulement de changer de coiffure ou d’adopter une nouvelle routine de soin, mais de reconfigurer notre rapport à nous-mêmes et à nos histoires.

  1. L’Éducation et la décolonisation des pensées : Éduquer les jeunes générations sur l’histoire coloniale, le colorisme et les influences extérieures sur l’image de soi est essentiel. Une prise de conscience collective sur ces questions permet de remettre en question les standards de beauté et d’encourager des représentations plus diverses dans les médias, les écoles et les espaces publics.
  2. La diversité des représentations : Il est crucial de multiplier les représentations de la beauté dans toute sa diversité. Les médias, les marques et les institutions doivent valoriser tous les types de corps, de teintes de peau et de caractéristiques physiques. Cela inclut non seulement le naturel, mais aussi le droit pour chacun de choisir comment il souhaite se présenter au monde sans subir de jugement.
  3. L’Auto-compassion et l’auto-validation : Le véritable travail d’émancipation repose sur la revalorisation de soi, indépendamment des normes extérieures. Cela implique d’apprendre à s’aimer, à reconnaître sa valeur et à célébrer ses singularités. L’auto-compassion est la clé pour traverser cette quête d’authenticité, tout en se détachant des jugements et des attentes sociales.
  4. La liberté de choisir : Finalement, l’émancipation repose sur la liberté de choix. Qu’il s’agisse de porter des cheveux naturels, d’adopter une coiffure stylisée, de se maquiller ou non, l’essentiel est que chaque femme puisse se sentir libre de s’exprimer selon ses propres termes, sans subir la pression des tendances ou des normes.

Vers une nouvelle liberté de soi

En conclusion, le retour au naturel est une réponse puissante aux normes de beauté coloniales et au colorisme, permettant à beaucoup de se réapproprier leur image de soi.

Cependant, l’émancipation véritable réside dans la liberté de choisir ce qui nous fait nous sentir bien, qu’il s’agisse de se conformer à des idéaux traditionnels ou non. L’essentiel est de retrouver l’harmonie entre l’image perçue, idéale et ressentie, tout en célébrant sa singularité et sa diversité. Dans ce cheminement, le naturel n’est pas une finalité, mais une des nombreuses façons d’atteindre une véritable réconciliation avec soi-même.

Imane Sioudan

 

Imane Sioudan

co présentatrice du ZCLNEWS

Therapeute/coach

1 réflexion sur “Guadeloupe. Colorisme. L’héritage colonial influence t-il notre image de soi et de notre rapport à la beauté ?”

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