Guadeloupe. Débat politique : L’évolution institutionnelle/statutaire : sommes-nous prêts ?
Pointe à Pitre. Vendredi 2I juin 2024. CCN. Mardi dernier se tenait à la Maison des avocats, une conférence sur l’évolution institutionnelle /statutaire de la Guadeloupe à l’invitation du Bâtonnier Josselin Troupé et de la Commission Culturelle de l’Ordre des Avocats.
Ce pur moment de délectation intellectuelle était animé par Maître Raphaël Lapin, avocat et docteur en droit et Maître Pierre-Yves Chicot, avocat et professeur des universités, docteur et chercheur en droit, tous deux friands du sujet, et que chacun a exploré au cours de son expérience professionnelle.
La première question du modérateur Maître Julien Marbois, a très rapidement posé les contours du sujet.
Peut-on parler d’évolution statutaire paisiblement, sans s’engager dans un débat agité des extrêmes, qu’on soit un fervent défenseur de l’Indépendance de la Guadeloupe ou de la république française ?
Bien que nos deux interlocuteurs soient des tribuns passionnés, ils ont réussi à déconstruire la sémantique imaginaire qui obstrue la pensée du plus grand nombre.
Parler d’évolution statutaire et institutionnelle, c’est accepter que nous soyons un, et non tous, au même titre que les régions et territoires français qui défendent leurs spécificités. La Bretagne et la Corse en ont fait la démonstration au cours du XXème siècle.
Parler d’évolution statutaire et institutionnelle, c’est faire en sorte que le peuple que nous sommes, puisse trouver une place harmonieuse dans la société qu’elle aura construite en tenant compte de sa culture, de son identité, de ses us et coutumes.
Parler d’évolution statutaire et institutionnelle, c’est réfléchir à ce que nous voulons être demain, que ce soit d’un point de vue économique, fiscal, social et sociétal ou encore environnemental.
Parler d’évolution statutaire et institutionnelle, c’est aussi ouvrir la fenêtre sur le monde que nous pensons être le meilleur pour nos enfants du pays Guadeloupe…
En quoi notre éloignement géographique, qui fait aussi la particularité de nos territoires, devrait-il nous être défavorable et nous défavoriser au regard de l’intérêt qui est porté aux régions de la périphérie proche du pouvoir colonial ?
Pourquoi, devons-nous systématiquement atteindre des situations conflictuelles pour être « soi-disant » entendus, après que l’armée de Lutèce ait fait usage de la répression ?
La compréhension et la vulgarisation des textes de lois est indiscutable, pour qu’ils soient à la portée de tous.
Alors oui, il appartient à nos élus, à nos journalistes et différents médias de changer le ton et la sémantique de leurs propos. De faire en sorte que le langage installe un climat de confiance et d’espoir.
Tandis qu’un vent de radicalité extrémiste lepéniste souffle fortement sur la France ne nous laissons pas, nous guadeloupéens, transportés par la tempête.
Dans ce monde qui nous oppresse à être constamment dans la perfection, nous devons avoir conscience que les aspirations des uns se heurtent souvent à la réalité des autres. Nous devons alors accepter nos faiblesses et défaillances pour cheminer vers ce que nous sommes vraiment.
Cela ne veut pas pour autant dire pour autant que nous devons abandonner les rêves qui nous pousseraient à devenir plus grand un jour …
Ce que nous retiendrons de l’échange riche et passionnant de ces deux experts du droit et du barreau, c’est qu’il est important et primordial de faire beaucoup de pédagogie pour donner au peuple les clés de la compréhension des enjeux qui nous guettent.
20 ans après le referendum de décembre 2003 qui nous a conduit au NON, avancent-ils, nous avons pris le recul nécessaire pour analyser ce qui nous a maintenu et figé dans un statu quo. Nous pouvons d’ailleurs nous servir de l’expérience de tous ces territoires qui étaient moins frileux que nous, et qui ont fait l’expérience de l’évolution statutaire.
Qu’est ce qui a fonctionné ? Qu’est-ce qui n’a pas fonctionné ? Qu’est-ce qui nous correspond le mieux ? Qu’est-il nécessaire de faire progresser compte tenu de notre territoire ?
Pourtant à la question « Les Guadeloupéens sont-ils prêts ? », posée par le médiateur, les réponses divergent.
Nos conférenciers ont répondu par un optimisme sans verser dans la béatitude, qu’ils pensaient que le peuple était désormais prêt, alors que le maire de Pointe-à-Pitre, Me Harry Durimel, expliquait que les préoccupations essentielles de sa population étaient loin de la notion d’évolution institutionnelle et statutaire, qui selon lui ne répondait pas aux attentes purement alimentaires et sécuritaires de ses administrés.
La métaphore de Maitre PY Chicot qui tend à dire que nous avons la capacité de réparer le toit de la maison et le devoir de prévoir le financement des études de nos enfants, ne sont pas deux actions incompatibles.
Bien au contraire, dans les deux cas elles permettent aux citoyens que nous sommes de nous prémunir d’une vie meilleure…
Merci aux intervenants de ce débat : les deux avocats Raphaël Lapin et Pierre-Yves Chicot qui au-delà de la technicité de l’exercice, ont su simplifier le discours pour le rendre accessible au plus grand nombre.
Déborah Vey