Guadeloupe. Politique & Economie : Comment relancer Pointe- à Pitre?
L’analyse critique de Claude Barfleur, conseiller municipal d’opposition
Pointe-à-Pitre. Mercredi 10 avril 2024. CCN. La communauté d’agglomération Cap-Excellence peut apparaître comme un véritable outil de relance pour notre ville, d’autant que l’on avait confié la première présidence au maire de Pointe à Pitre, avec la promesse, pour rassurer Baie-Mahault et Pointe-à-Pitre, que la présidence serait attribuée à tour de rôle à chaque commune
Cap Excellence : source d’égoïsme ou leurre de développement ?
Mais la composition de Cap-Excellence aurait dû alerter les maires de l’époque.
C’était le mariage de la carpe et du lapin. Comment penser réunir :
– une commune rurale, une commune semi-rurale et une ville.
– deux des communes ayant des superficies relativement importantes et une petite ville sur un territoire étriqué.
– trois collectivités dont une, par sa population, détient la moitié des conseillers communautaires.
Que la moitié des sièges du conseil communautaire revienne aux Abymes, implique de-facto une gouvernance abymienne.
Comment peut-on développer un territoire si dès le départ la démocratie est viciée, la cohérence territoriale, sociologique et culturelle inexistante ? D’ailleurs Baie-Mahault a été contraint et Gosier a fui.
Le sommet du contrôle des Abymes sur Cap-Excellence est l’attribution de sièges de vice- président de Cap Excellence à des membres de l’opposition pointoise et baie-mahaultienne, dans le seul objectif d’assurer la réélection permanente à la présidence du candidat des Abymes, du jamais vu en Guadeloupe.
L’application, sans discernement, à notre petit territoire de cette fausse bonne idée (communauté d’agglomération), n’y a créé que de petits royaumes pour de petits souverains avides et insatiables.
On peut d’ailleurs se demander si les communautés d’agglomération sont nécessaires sur un territoire aussi exigu qu’est la Guadeloupe et ne sont pas plutôt, un frein à son développement.
Il est vrai que dans l’assemblage de Cap-Excellence, tout n’est pas au désavantage de tous.
La commune des Abymes a sûrement de quoi se réjouir.
Qu’en est-il des habitants de Baie-Mahault et de Pointe à Pitre ?
Depuis que la présidence est figée aux Abymes, trop de moyens – financiers, administratifs, humains, logistiques, etc. – de cette communauté d’agglomérations sont utilisés pour le profit de la commune des Abymes, au détriment de Baie-Mahault et de de Pointe à Pitre, la quasi-totalité des cadres et employés recrutés par Cap-Excellence sont abymiens ou apparentés, un vrai phénomène de népotisme.
Ce que certains appellent « projet communautaire » n’est en fait que le projet de développement de la commune des Abymes, de même que le conseil communautaire n’est que son conseil municipal bis.
Des exemples me viennent à l’esprit mais je ne citerai que ceux-là :
Le développement de la zone d’activité de Dothémare à l’encontre de celle de Jarry, puisqu’elle ne crée réellement aucune activité nouvelle, excepté peut être l’Agropark, et l’abandon de celles de Bergevin.
Le transfert de Pointe à Pitre vers les Abymes de la quasi-totalité des administrations et dernièrement, celui du siège du CTIG à Dothémare,
Dans le domaine culturel, la gestion douteuse et certainement désinvolte de la rénovation du Centre des Arts et de la Culture de Pointe à Pitre tandis que le centre culturel Sonis à Lacroix a été rénové et que la salle Felix PROTO a vu le jour au bourg des Abymes,
Retrouver une taille et une démographie critiques
Le maire des Abymes a décidé de faire de sa commune une ville. C’est son droit le plus strict. Mais cela ne peut se faire en accaparant Cap Excellence au détriment de Pointe à Pitre et de Baie-Mahault.
Cela ne justifie pas qu’elle devienne un marchepied et qu’on veuille en faire aujourd’hui une espèce de « section » de la commune des Abymes. Les récentes déclarations du maire des Abymes dans le conflit social qui l’opposait au syndicat UACL-CGT, représentée par Mme S. ESDRAS ne sont pas de nature à nous rassurer sur son ouverture d’esprit concernant les non abymiens.
Les freins au développement de Pointe à Pitre sont structurels. Son intégration à Cap–Excellence n’a été qu’un facteur aggravant.
Pointe à Pitre est à l’étroit dans ses frontières actuelles et a besoin de territoire pour se revivifier. Pointe à Pitre a besoin de population pour se redynamiser.
Vous diriez, à cette l’époque, à un habitant du Raizet, de Petit-Pérou, de Baimbridge, de Chauvel, de l’Assainissement, de Grand -Camp, de Carénage qu’il était abymien ou en tout cas qu’il n’était pas pointois, qu’il vous prendrait pour un fou et vous regarderait avec cet air hautain typiquement pointois. Toutes ces personnes fonctionnaient et vivaient au rythme de Pointe à Pitre. On pouvait alors parler de Pointe-à-Pitre et sa banlieue, comme on le fait pour PARIS.
L’erreur a été que cet état de fait, n’a jamais été matérialisé ou formalisé administrativement par les « responsables » politiques de l’époque.
La cession à la ville de Pointe à Pitre, par la commune des Abymes, de toute cette partie du territoire abymien dont les habitants ont toujours fonctionné en pointois, est la solution.
Un rééquilibrage et une bouffée d’oxygène pour Pointe -à-Pitre.
La loi le permet et cela s’est déjà fait par le passé.
La commune de Saint-Claude a cédé une partie de son territoire à la ville de Basse-
Terre qui rencontrait le même problème que Pointe à Pitre. Il est vrai que le maire de Saint-Claude de l’époque était le grand Rémy Nainsouta.
De plus, Frédéric Jalton qui a longtemps fréquenté Pointe à Pitre y avait pensé. Il avait même missionné son premier adjoint pour mener des négociations en ce sens avec la municipalité pointoise.
Cette proposition a donc du sens, elle pose les fondements du renouveau de Pointe-à-Pitre.
Elle ne modifie ni les contours de Cap Excellence, ni l’effectif global de sa population, ni sa sociologie.
Elle donnerait à Pointe à Pitre une bouffée d’oxygène qui la redynamiserait.
L’histoire de notre développement spatio-temporel a fait de la commune des Abymes une pieuvre dont les tentacules enserrent la ville de Pointe à Pitre. Aujourd’hui, les circonstances font qu’elles l’étouffent. Doit-on attendre l’asphyxie complète ?
Plus de territoire, c’est plus d’équipements structurants.
Plus de territoire c’est plus de développement.
Plus de territoire c’est plus de lisibilité dans l’aménagement.
Plus de population c’est plus d’activité.
Plus de population c’est plus de recettes fiscales.
Plus de population c’est une dotation globale de fonctionnement plus élevée.
Mais aussi, cela produirait un rééquilibrage au sein de la Cap-Excellence. Pointe-à-Pitre, Baie-Mahault, Abymes pèserait le même poids quant à la population. Le conseil communautaire deviendrait alors un vrai conseil et non plus une chambre d’enregistrement des volontés abymiennes. Les décisions y seraient prises de manière plus démocratique et équitable. On pourrait alors vraiment parler de « communauté » d’agglomérations.
« Le sacrifice est la marque du véritable amour » était, selon ce que je sais, la phrase fétiche de Frédéric Jalton
Le legs d’une partie de son territoire serait une preuve d’ouverture et d’intelligence de la commune des Abymes envers Pointe à Pitre et la Guadeloupe, mais surtout l’expression d’une volonté d’harmonie, d’équilibre, de coopération dans Cap-Excellence.
Pointe à Pitre a pris des décennies pour devenir une ville. L’histoire en a fait la capitale de la Guadeloupe.
Tout doit être mis en œuvre pour qu’elle retrouve sa place, parce qu’aucun pays ne peut exister sans une vraie capitale.
Si aucune solution ou compromis n’est trouvé avec les Abymes, Pointe à Pitre doit devenir une collectivité territoriale particulière, afin qu’elle redevienne, rapidement, ce qu’elle était il y a encore une vingtaine d’années. À nous de définir les contours de cette nouvelle collectivité.
Claude BARFLEUR
Président du MGP
Conseiller municipal de Pointe-à-Pitre
Merci Monsieur BARFLEUR pour cette brillante démonstration. Il faudrait aller plus loin en présentant les chiffres minima qui permettraient à la ville des ABYMES de ne pas changer de catégorie et à partir de là voir les quartiers qui peuvent être « administrativement » transférés.