
Gwadloup.Nationalisme : Osons le débat ! (partie 1)
By Ary Broussillon
Petit Bourg. Mercredi 15 janvier 2025. CCN. Le mouvement anticolonialiste guadeloupéen est dans un « kat chimen ». Si ce n’est pas un « kat chimen » admettons au moins qu’il connaît une période de stagnation, chargée d’interrogations, de questionnements essentiels à sa survie d’abord et à son redéploiement ensuite. Soyons plus précis : il traverse une crise qui semble s’éterniser et que ne peuvent occulter les tentatives louables et sincères de renouvellement des discours et des pratiques émanant de certains militants, groupes et partis politiques.
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Oui, cette crise ne saurait être dissimulée par les initiatives prises pour expliquer et faire entendre ici et là, à des milliers de kilomètres, la problématique de la nécessaire décolonisation de la Guadeloupe. Une crise bien « instituée » que ne peut dissimuler l’opération de triangulation ouverte et suspecte, conduisant des individus et partis, hostiles hier à toute idée d’évolution institutionnelle et/ou statutaire, à s’en accommoder aujourd’hui voire à s’en réclamer en puisant opportunément dans le corpus idéologique du nationalisme guadeloupéen pour y faire cueillette de mots, de concepts voire de slogans et brandissant même ses couleurs et son drapeau. Cela dit : La crise dont je parle ne date pas d’aujourd’hui et pour l’heure aucune solution n’est mise sur la table pour en sortir, ou du moins aucune ne semble être suffisamment partagée par ceux qui se réclament de l’anti-colonialisme, de la libération nationale et sociale, de l’émancipation. Chacun affirme avoir raison. Chacun avance ses pions. Chacun joue son jeu avec lèspwa mal papay de damer le pion à tous les autres.
Ary Broussillon qui a été un éminent responsable de l’Association Générale des Étudiants Guadeloupéens, ex maire de Petit Bourg est un aussi un sociologue militant.L’analyse sans complaisance qu’il propose à CCN sera aussi la trame d’un débat que nous organiserons au #ZCLNEWS
1. Une crise paradoxale du mouvement anticolonialiste guadeloupéen

Alors que le mouvement patriotique et anticolonialiste guadeloupéen peine à se structurer, à définir une ligne directrice claire et à ouvrir une véritable voie vers la souveraineté, se fait voir simultanément une expression de la guadeloupéanité de plus en plus large et toujours plus palpable. Cette dynamique s’accompagne de l’émergence et du renforcement d’un sentiment national, autrement dit un sentiment d’appartenance à une communauté unifiée par des éléments partagés, tels que la culture, l’histoire, la langue, les valeurs. Un sentiment national qui, quoique diffus, témoigne d’une vitalité réelle et incontestable, perceptible dans les discours, les comportements, bref dans les « faits et gestes ».
Cette dynamique culturelle, certes palpable avant 2009, s’est manifestement déployée et confortée lors du grand mouvement social initié cette année-là par le LKP (Lyannaj Kont Pwofitasyon), se manifestant alors de multiples façons :
1. Les couleurs du pays
Le rouge, le vert et le jaune, longtemps portés par les organisations nationalistes, sont devenus des symboles populaires. Ils s’affichent fièrement lors de manifestations publiques, de rassemblements festifs et même dans le quotidien, à travers des vêtements, des drapeaux, ou des décorations.
2. La culture musicale et artistique
Les paroles de chansons engagées, le gwoka, les créations musicales imprégnées de revendications identitaires connaissent un regain de popularité. Ils s’affirment de plus en plus comme des vecteurs d’affirmation collective, porteurs souvent d’un message de dignité et de résistance.
3. Une consommation locale revendiquée
La tendance à consommer local se renforce, marquée par un retour aux produits de la terre guadeloupéenne. Les marchés locaux, les produits agricoles traditionnels, et les initiatives valorisant l’agriculture paysanne gagnent en popularité, traduisant une volonté de s’émanciper, même symboliquement, des dépendances économiques héritées du colonialisme.
4. Les pratiques culturales traditionnelles
Les jardins créoles, les médecines traditionnelles (« rimèd razyé ») et d’autres savoirs ancestraux connaissent une renaissance. Ces pratiques, longtemps marginalisées, reprennent leur place comme symboles de résilience et de connexion à la terre.
5. Le développement du sentiment national dans le sport
Chaque victoire d’un sportif guadeloupéen sur la scène internationale devient l’occasion d’un élan collectif. Ces champions, lorsqu’ils osent brandir le drapeau rouge-vert-jaune, incarnent une fierté guadeloupéenne qui transcende les clivages politiques et sociaux. Ils donnent un visage et une visibilité à cette revendication diffuse d’une volonté d’exister par soi-même et pour soi-même.

Ces manifestations et d’autres de même nature qui pourraient être relevées ne sont pas anodines. Elles traduisent une aspiration trouble certes, fragile aussi, mais néanmoins grandissante, à se distinguer, à se singulariser comme « pas tout à fait français », comme « vrai guadeloupéen ». Si cette aspiration voire cette revendication reste parfois confuse ou implicite, elle est bel et bien là, comme un murmure constant dans le quotidien des Guadeloupéens.
Ce paradoxe, où stagnation politique et affirmation culturelle coexistent, est riche d’enseignements pour le mouvement anticolonialiste. Il montre que, même en l’absence de structuration politique forte, les aspirations à la liberté et à l’émancipation peuvent trouver d’autres voies pour s’exprimer. La culture, l’identité, les pratiques quotidiennes deviennent alors des leviers pour construire une conscience collective, une conscience nationale avec son corollaire : la reconnaissance de la Guadeloupe comme nation, avec une réflexion sur son avenir institutionnel. L’affirmation croissante aujourd’hui de la guadeloupéanité est une promesse d’avenir. Elle montre que le désir d’un renouveau, d’un rendez-vous avec nous-mêmes tambourine, prêt à s’exprimer sous des formes multiples.
Cependant, cette dynamique culturelle seule ne suffira pas à transformer les structures de domination ou à ouvrir une voie claire vers l’émancipation. Elle doit être mise en dialogue avec une réflexion politique approfondie, capable d’articuler ces aspirations identitaires avec des projets de transformation institutionnelle, économique et sociale. Il appartient au mouvement anticolonialiste de saisir cette opportunité, de dialoguer avec cette énergie populaire et de construire enfin, une voie claire et unifiée vers la transformation.
Mais en dépit de ces données factuelles perçues et comprises comme des avancées, la domination coloniale poursuit son emprise et se resserre. Et toupannan qu’elle se perpétue et se consolide, le mouvement anticolonialiste semble embourbé. Les querelles internes, les divergences stratégiques intestines, et l’absence d’une direction politique légitime et légitimée, ralentissent la dynamique collective et entravent notre capacité à penser et à concevoir ensemble les chemins d’une véritable émancipation pour notre peuple de Guadeloupe. Le bon pas, le ton juste, le contenu approprié pour mobiliser largement et durablement restent à définir. Les structures politiques peinent à rassembler, et le projet d’un changement institutionnel – autonomie, indépendance ou toute autre forme de transformation – demeure flou et mal articulé. Il n’existe pas de projet de société qui soit partagé par et entre tous.
Ces divisions prennent la forme de querelles personnelles, de rivalités entre organisations et partis, ainsi que de controverses sur les mots d’ordre, sur leur nature (mot d’ordre d’action et mot d’ordre de propagande), sur des positionnements, des lectures et interprétations différentes de faits et évènements du Passé comme du Présent. Trop souvent, ces oppositions se traduisent par des invectives dèyè mikro, des jugements péremptoires ou des anathèmes à l’occasion de sanblé de ki len ki lòt. En fait, il n’y a pas vraiment de débat ou alors tout au plus nous sommes en présence d’un débat gigogne.
2. Un débat gigogne : plusieurs questions à explorer
Les points de controverse sont nombreux et s’entrelacent. Il s’agit en réalité d’un débat à plusieurs niveaux où le sujet apparent de la polémique en dissimule ou en soulève d’autres, chacun s’ouvrant comme un nouvel élément à explorer dès que le précédent est dévoilé. En fait, les sujets de dispute avancés par les protagonistes sont tantôt un prétexte, tantôt une opportunité pour aborder d’autres questions et problématiques, ou encore une manière implicite, consciente ou inconsciente, de poser la question de fond à laquelle nul ne peut échapper : celle des voies et moyens du projet émancipateur.
Il en est donc ainsi des polémiques à propos de :
- La question nationale et coloniale aujourd’hui en Guadeloupe
- Le choix du drapeau de la Guadeloupe
- Le mot d’ordre politique : autonomie ou indépendance ?
- La place du mouvement social et des travailleurs
- La question de la direction de la lutte
- Les formes de luttes : leur différenciation, leur alliance et leur combinaison
- Le projet de transformation sociale et d’émancipation
- Le rôle des intellectuels
- L’ordre républicain en situation coloniale
- Les voies et moyens de l’Unité des forces anticolonialistes guadeloupéennes
J’ai donc retenu ces 10 points sans prétention ni recherche d’exhaustivité car il y en a bien d’autres. A l’évidence il s’agit de questions importantes qui ne peuvent être traitées à coup d’invectives, de menaces et autres mises en garde. Elles ne peuvent et ne doivent pas non plus être traitées « de haut », avec superbe et suffisance et surtout pas avec un mépris non dissimulé envers ceux que l’on considère n’être pas à la hauteur parce qu’ils seraient populistes, intégristes, illuminés, pseudo-intellectuels, « principal ennemi », etc. Dans le passé, le mouvement anticolonialiste a trop souffert de ce sectarisme puéril, de ces affrontements fratricides qui l’ont parfois « ensanglanté » et dont le seul bénéficiaire « tous comptes faits » et « tout bien pesé » a toujours été le Pouvoir colonial.
En considérant donc chacune de ces questions, je crois pouvoir dire qu’en réalité (hormis la question du drapeau), elles ne sont pas nouvelles et ont traversé les 60 dernières années du Mouvement national et anticolonialiste guadeloupéen. Elles ont reçu durant ce temps un « traitement » particulier qui a laissé de profondes cicatrices visibles encore aujourd’hui pour témoigner de leur violence d’alors, de leurs conséquences désastreuses et de leur vanité tragique.
Contrairement aux années précédentes où les débats se menaient néanmoins « thèses contre thèses », les divergences et controverses qui ont cours aujourd’hui peinent à être clairement nommées, définies ou qualifiées. Bien réelles, fondées et parfois légitimes elles sont en réalité d’ordre théorique, idéologique et stratégique sans que jamais les protagonistes ne parviennent pour autant à les supporter et à les éclairer donc au moyen d’une argumentation structurée et solidement ancrée dans un cadre théorique cohérent. Elles se réduisent donc à des critiques superficielles et impulsives, qui n’alimentent guère une réflexion de fond. Le débat, pourtant essentiel, se limite ainsi à des postures, voire à des impostures, inadaptées à un échange constructif et à un enrichissement des idées.
De mon point de vue, cette situation reflète une faiblesse théorique préoccupante au sein du mouvement. Elle illustre un manque de formation intellectuelle et politique, mais surtout l’absence de cadres référentiels qui permettraient aux différents acteurs de confronter leurs positions de manière productive et éclairée.
3. La problématique du cadre référentiel
Parce qu’il ne m’est pas possible de traiter de cette question an sis-kat-dé, je retiendrai pour bien la poser trois expressions : Désarroi idéologique – Errance théorique – Dépolitisation.
De quoi s’agit-il en dé mo kat pawòl ?
Désarroi idéologique ou précisément un état de confusion ou de perte de repères par suite de l’effondrement des idéaux ou des doctrines qui guidaient auparavant l’action. Sa ki pwan lanmen, c’est en quelque sorte une vacuité doctrinale. Hier, la grande majorité des dirigeants des organisations nationalistes et révolutionnaires étaient solidement adossés à des murs doctrinaux. Présentement, ils se retrouvent toutouni incapables de s’appuyer sur des principes cohérents ou des modèles inspirants, ces repères étant dorénavant considérés comme obsolètes ou inopérants, notamment après des bouleversements historiques tels que les dérives de certaines luttes de libération nationale ou encore la chute du mur de Berlin et la disgrâce de l’idéal socialiste. Les voilà désormais honteux de se réclamer de leurs anciens « maîtres à penser » et évitant soigneusement l’usage de concepts dorénavant proscrits.
Errance théorique pour illustrer ce flottement intellectuel, ce vagabondage conceptuel, ces approximations théoriques d’où il résulte une incapacité à élaborer une ligne et une vision stratégiques cohérentes. Cela se manifeste par une quête infructueuse, une pioche au pifomètre ici et là dans tel ou tel courant de pensée et parfois même dans les lisières des jardins de l’extrême droite.
Cela se manifeste encore par une incapacité à conceptualiser de nouveaux paradigmes pour comprendre et transformer la réalité. Ainsi les militants n’ont-ils pu par exemple explorer le concept de capabilités promu par l’économiste et philosophe indien Amartya Sen, comme alternative émancipatrice pouvant permettre notamment :
- D’explorer des modèles plus adaptés aux réalités locales, en valorisant les savoirs et expériences populaires, les solidarités communautaires, et les formes traditionnelles d’organisation sociale.
- De concevoir une émancipation qui ne soit pas seulement politique ou économique, mais aussi culturelle, intellectuelle, et personnelle. Une émancipation humaine.
Dépolitisation, autrement dit une réduction ou un effacement de l’engagement politique, avec comme corollaire une tendance à délaisser les luttes collectives au profit d’aspirations individuelles, groupales ou exclusivement sociales. Mais la dépolitisation s’exprime aussi par l’inaptitude à saisir la dimension politique des problèmes quotidiens « neutres » en apparence ou alors soi-disant « cadrés » par les lois de la république, et de les traiter comme tels, donc comme résultant le plus souvent de la domination coloniale.
Ainsi, affectés à des degrés divers par la chute du mur de Berlin et l’échec des grandes révolutions du 20ème siècle, les « dirigeants » de l’anti-colonialisme guadeloupéen, qu’ils soient nationalistes, marxistes-léninistes, maoïstes, communistes, troskystes, semblent perdus, en proie à un désarroi idéologique, à une errance théorique et à certains égards à une dépolitisation rampante. Prisonniers d’une lecture rigide du paradigme occidental, ils n’ont pas su s’émanciper pour penser davantage par eux-mêmes, pour prospecter ailleurs et explorer d’autres horizons intellectuels. L’Afrique, l’Amérique latine ou les Caraïbes offrent pourtant des modèles ou contre-modèles susceptibles d’inspirer des projets plus enracinés dans la réalité postcoloniale.
On « rencontre » il est vrai quelques « résistants » nostalgiques, nullement ébranlés du moins en apparence, qui persistent à s’accrocher aux lambeaux doctrinaires du nationalisme et/ou du socialisme historiques, tristement, comme le dernier des mohicans.
4. Pour une reconstruction intellectuelle et théorique
Cela dit, il ne s’agit pas pour sortir de cette impasse paradigmatique de « tout rejeter ». Personnellement et en tant que sociologue d’abord, la philosophie marxienne représente pour moi un cadre référentiel utile et opérant : comme science sociale, science du changement et de la transformation sociale ; pour le socialisme aussi en tant qu’idéal d’égalité, de fraternité, de solidarité et de justice sociale. En tant que science sociale globale, il intègre des aspects de l’économie, de la sociologie, de l’histoire, de la philosophie et de la politique. En somme, ce que j’en retiens c’est avant tout sa capacité à mettre en lumière les structures profondes, à penser les contradictions sociales, et à dévoiler les rapports de domination, tout en fournissant une méthode rigoureuse pour analyser le changement social, et en assumant sa dimension idéologique en tant qu’outil pour l’émancipation des classes dominées, à l’opposé donc de ces sciences sociales qui se prétendent « neutres » mais qui, en réalité, légitiment l’ordre établi. En bref : ce qui me semble essentiel dans cette pensée, c’est avant tout sa démarche analytique, son approche méthodologique, et sa capacité à éclairer les structures et dynamiques sociales à travers une lecture critique de la réalité. Elle s’appuie pour cela sur :
- Une lecture matérialiste de la société
- Une méthode dialectique pour penser le changement
- Une attention particulière aux structures de domination
- Une interdisciplinarité (Economie, sociologie, histoire, philosophie politique) pour une vision globale
- Une critique des évidences et des idées reçues
A cet égard, il constitue selon moi un cadre d’analyse pertinent pour le sociologue, indépendamment de toute appartenance politique ou idéologique.
Parce qu’il n’est pas une théorie abstraite et qu’il considère indissociable la théorie et la pratique, donc l’action, il éclaire et guide la pratique militante, sans pour autant se présenter comme une vérité figée, comme un dogme, mais plutôt comme un outil d’analyse qui s’adapte aux contextes historiques et aux évolutions sociales. Il m’importe alors d’user non d’un marxisme « orthodoxe » mais plutôt enrichi en même temps qu’évoluaient les sociétés et avec elles les sciences sociales, par les apports d’autres penseurs, sociologues, économistes, philosophes, certes de l’« univers occidental », mais aussi de la philosophie, des traditions , des expériences d’autres « univers », singulièrement de l’Afrique et de l’Inde.
Cependant pwan gad ! attention au mimétisme, au jakotisme confinant à des macaqueries ! Toutes les sciences sociales, « orthodoxes » ou « revisitées », sont en effet fondamentalement culturelles : elles étudient des questions sociétales qui sont d’un lieu, d’une culture, et d’une époque. Ce postulat que je fais mien, commande donc tant au militant qu’à l’intellectuel une vigilance épistémologique, une endogénéisation critique, autrement dit une adaptation créative appliquée à la réalité proprement guadeloupéenne, à son soubassement anthropo-culturel, en tenant compte aussi de l’évolution des dynamiques géopolitiques et environnementales. Je pense en effet que le jakotisme est la sentence de la colonisation des imaginaires et qu’elle produit souvent une inertie conceptuelle qui empêche, et c’est bien le cas aujourd’hui en Guadeloupe, la prospection et l’émergence de nouvelles voies pour une émancipation véritable. Ce sera un long combat car, ainsi que le confirme Cheikh Anta Diop, « La colonisation la plus durable est celle des esprits. » (« Civilisation ou barbarie »)
J’aurai probablement l’occasion en d’autres circonstances, de m’appesantir sur la source de ces insuffisances, singulièrement l’absence de cadre théorique de référence qui expose les organisations anticolonialistes et la lutte d’émancipation elle-même à des risques majeurs, notamment :
- La dérive vers l’improvisation : Sans référence claire, les décisions stratégiques sont prises au gré des émotions ou des rapports de force immédiats, sans vision de long terme.
- L’amplification des divisions : Sans langage commun pour formuler les désaccords, ceux-ci prennent la forme de conflits personnels ou organisationnels qui affaiblissent l’ensemble du mouvement.
- La perte de légitimité : Un discours confus ou contradictoire, la cacophonie et les querelles incessantes, exposent le mouvement aux critiques et alimentent le scepticisme de la population, déjà éprouvée par un quotidien difficile.
En tout cas et à mon sens, il me semble urgent, pour sortir de cette impasse, d’investir dans une reconstruction intellectuelle et théorique du mouvement. Cela passe selon moi par :
1. La redécouverte des bases historiques et idéologiques
Le mouvement national guadeloupéen doit renouer avec les grandes pensées anticolonialistes et révolutionnaires qui ont éclairé les luttes du passé. Il ne faut pas en avoir « une peur bleue » et s’en tenir éloigné pou pa pwan menm lòdè a yo. Cependant, je l’ai dit, ces références ne doivent pas être des dogmes, mais des outils néanmoins indispensables pour nourrir une réflexion adaptée aux réalités actuelles.
2. La formation continue des militants
Chaque organisation doit faire de la formation une priorité, une obligation faite à ses militants. Il ne s’agit pas seulement d’apprendre à agir, mais aussi de comprendre pourquoi et comment agir, en se basant sur une analyse rigoureuse de la société et des mécanismes de domination. Je parle de formation et non d’endoctrinement. Je parle de formation libératrice et émancipatrice pour le militant et pour l’homme et la femme qu’il/elle est. Une politique de formation particulièrement pour cette masse de jeunes qui par divers chemins ont rejoint la lutte sans avoir connu les expériences de luttes des années d’avant 2000 ou même pour certains celle de 2009 avec le LKP.
3. La création d’espaces de réflexion collective
Des séminaires, des ateliers, des cercles de lecture ou des universités populaires pourraient être mis en place pour permettre aux militants de se rencontrer, de débattre et d’affiner leur pensée. Et bien entendu et plus largement, l’impulsion à donner à la création d’un espace public ainsi que le préconisait le philosophe guadeloupéen Raoul Cyril Serva
4. L’élaboration d’un cadre référentiel commun
Il ne s’agit pas d’imposer une pensée unique, mais de poser des bases communes : un lexique, des repères historiques, des principes fondamentaux qui permettent de structurer les discussions et d’ancrer les désaccords dans une argumentation sérieuse.
l’analyse D,Harry Broussillon est très pertinente. Espérons que les mouvements dit Anti colonialistes sauront s’y référer et se repenser. Par contre, il n’a pas posé le problème du pouvoir économique, corollaire au pouvoir politique. En clair,pour être crédible au yeux de la population, les organisations dit Anti colonialistes devraient être des acteurs de la vie économique, un peu comme KBM. Sinon, leurs discours apparaissent comme de belles paroles. En clair, ces organisations pourraient elles mêmes détenteurs de pouvoirs économiques : fermes solidaires, banque de solidarité, société dimport- export équitable…
En clair, il faut passer du » sa nou ka di » au » sa nou ka fè ».
Les organisations dits anticolonalistes doivent avoir des discours simples et clairs, en dehors des dogmes marxistes. Exemples: Nou pa ka vann tè an nou – Nou ka ba’y san an nou pou pa dépann dè péyi déhò – An nou pa sali péyi an nou – Jénès pa fè vyolans…
Dernier élément, la critique systématique des élus politiques me semble inopérant, dans la mesure où la représentation politique est nécessaire en démocratie et que nombre de personnes se disant anticolonialiste, se présentent aux élections. S’en prendre à nos élus parait facile. Les élus font ce qu’ils peuvent dans un contexte difficile et il ne sont pas les premiers responsables de la crise de nos pays. A quand, un coup de main organisé par les organisations anticolonialistes pour nettoyer certains sites de Guadeloupe ?