Port au Prince Mardi 6 juillet 32021.CCN/ Le Nouvelliste. En 2019, environ 162 groupes armés avaient été répertoriés sur le territoire national dont plus de la moitié opère dans l’aire métropolitaine, selon la Stratégie nationale pour le désarmement, le démantèlement des groupes armés et la réinsertion des individus désarmés (SNDDR).
Le document, qui a été remis officiellement cette semaine au Premier ministre a.i. Claude Joseph, indique que les gangs armés auraient, au total, un potentiel supérieur à « 3000 soldats armés d’armes à feu, dont des enfants, des adolescents et des jeunes ».
Au nombre de 162 groupes armés répertoriés sur le territoire national, « il faut ajouter de nombreuses bases latentes, peu connues mais tout aussi potentiellement dangereuses », précise la SNDDR dans le document officiel remis au Premier ministre provisoire dont Le Nouvelliste a eu copie. « De manière concomitante on observe la circulation d’un flux important d’armes et de munitions illégales, soit 2 700 armes selon les estimations de la PNH (2018) », ajoute le document.
« Ces dernières années furent marquées par l’expansion de groupes armés sur l’ensemble du territoire dans des communautés vulnérables et précaires en milieu urbain, périurbain et rural. Ces groupes se multiplient et créent des alliances formelles et non formelles qui les rendent plus forts. En 2004, on comptait officiellement 34 groupes armés. En 2019, un diagnostic fait par la mission onusienne (MINUJUSTH), en appui à la PNH, a recensé au moins 162 groupes armés sur le territoire dont plus de 50% dans l’aire métropolitaine », lit-on dans le document de la SNDDR.
Selon la SNDDR, ces groupes ont des motivations mixtes : économique, politique et de contrôle territorial, « ce qui explique les conflits et les violences entre groupes opposés. Les principaux facteurs déclencheurs de ces conflits sont d’une part, le contrôle de territoire dont les enjeux sont à la fois économiques, politiques et hégémoniques. De plus, dans certaines zones, les investisseurs du secteur privé qui y ont d’importantes entreprises achètent, sous des formes diverses, sécurité et protection de leurs investissements (bâtiment, personnel, etc.). Il y a aussi des ressources telles que les marchés publics, les réseaux de distribution d’eau, les stations de bus et de « tap-tap », etc, desquels les groupes armés tirent des revenus importants. »
La SNDDR a souligné que les enjeux politiques et électoraux sont une deuxième catégorie de facteurs déclencheurs. « En effet, certains partis politiques établissent des réseaux de clientèle avec des groupes armés pour avoir accès ou se maintenir au pouvoir », affirme la SNDDR.
Les approches de la SNDDR
La SNDDR plaide d’abord pour une approche basée sur le désarmement, le démantèlement des groupes armés et la réinsertion (DDR). Cela veut dire la définition de la politique gouvernementale en matière de gestion des armes et des munitions et la mise en œuvre d’un processus de désarmement communautaire des groupes armés sur une base volontaire. « Ce qui signifie que les groupes ou les individus acceptent, après un processus de négociation et de dialogue communautaire, de remettre toutes les armes et munitions dont ils disposent », lit-on dans le document, qui précise que les individus armés qui sont sujets à des poursuites judiciaires devront répondre de leurs actes et ne sont donc pas considérés dans les interventions de la CNDDR.
« A noter que les expériences passées au niveau national et international découragent fortement le concept de rachat des armes utilisées par les individus et les groupes armés », fait savoir la SNDDR.
L’autre approche est la réduction de la violence communautaire (RVC). « Cette nouvelle approche recherche et priorise l’engagement communautaire dans toutes les actions devant conduire à la création d’un climat sûr et stable dans une zone géographique donnée, où il existe une situation de violence armée liée à l’existence des groupes. Cette nouvelle approche de DDR permet une flexibilité et une adaptabilité au contexte d’intervention beaucoup plus souple que l’approche classique », explique la SNDDR, soulignant que la réduction de la violence exige une réduction fondamentale du niveau de circulation des armes à feu en Haïti.
« Le gouvernement haïtien, qui est le premier responsable de la protection des citoyens, devra intensifier les moyens de contrôle de la prolifération illicite des armes à feu. Pour cela, le gouvernement haïtien promulguera une nouvelle loi relative à la fabrication, la commercialisation, la détention, le contrôle et le port d’armes à feu sur le territoire national », recommande la SNDDR.
« La CNDDR, avec l’appui de ses partenaires, lancera un processus de désarmement communautaire à travers un dialogue inclusif qui vise à changer les esprits et créer un narratif paisible qui renforce le civisme et le respect de l’État de droit. Les quartiers qui s’engagent dans le processus de désarmement recevront une assistance collective sous forme de projets à haut intérêt communautaire », fait savoir la SNDDR.
La SNDDR propose que le niveau de coordination technique soit assuré par la CNDDR, « pour faciliter la mise en œuvre technique. La CNDDR met en place une cellule de coordination de mise en œuvre intégrée des produits issus de la Stratégie nationale DDR-RVC en Haïti, c’est-à-dire, les programmes, projets et activités (PPA). D’où la dénomination dudit comité sous l’appellation ‘’Cellule nationale de coordination opérationnelle des programmes, projets et activités (CNCOPPA) », selon le document remis au Dr Claude Joseph qui fait de la CNDDR l’organisme central de coordination interne et externe de toutes les activités liées à la mise en œuvre de la SNDDR-RVC.
Le document souligne que les organisations de la société civile seront totalement impliquées dans la conception et la mise en œuvre des actions liées à la SNDDR-RVC. « Les leaders communautaires et religieux seront des sujets importants d’appui technique et assumeront leur prépondérance dans leurs propres communautés, surtout dans les domaines de la sensibilisation des jeunes, de la médiation et du dialogue communautaire. Les organisations intragouvernementales et non gouvernementales continueront à jouer leur rôle décisif, chacun en ce qui le concerne, en accompagnant techniquement les acteurs nationaux dans la mise en œuvre des programmes liés à la SNDDR-RVC », selon le document.
Qui finance la SNDDR ?
« L’État haïtien élaborera un Programme national DDR-RVC (PNDDR-RVC) basé sur une vision claire des axes d’intervention, une estimation valable du nombre de bénéficiaires, des ressources et des coûts envisagés pour toutes les activités. Dans ce cas, l’approche de la mobilisation sera multi-acteurs, sous la houlette du ministère de la Planification et de la Coopération externe (MPCE) et en coordination avec la CNDDR. Les coopérations bilatérales, multilatérales et toutes les autres formes de financement licites seront envisagées. L’État haïtien fournira normalement sa participation au financement du Programme national DDR-RVC. Notons que, tenant compte des exigences du ou des bailleurs de fonds, une cellule spéciale de mise en œuvre sera mise en place, ainsi que les modalités de la gestion financière du PNDDR-RVC », selon le document de la SNDDR.
Le document de Stratégie nationale DDR-RVC en Haïti a été élaboré en étroite collaboration avec le Programme des Nations unies pour le développement (PNUD), le Bureau intégré des Nations unies en Haïti (BINUH) et plusieurs autres partenaires.