Les Français ont le sentiment de subir une double peine. Celle de la crise du coronavirus d’abord et celle des attentats terroristes ensuite. Manifestement, le premier confinement n’aura pas été suffisant. Et après presque deux mois de confinement printanier, le président Macron leur a demandé de se confiner à nouveau cet automne. Mais si le premier, imposé aux Français et aux Françaises pour limiter la propagation du virus du Covid 19 avait été assez bien accepté et respecté, il semble bien qu’il n’en soit pas de même avec l’actuel.
Confinée du 17 mars au 11 mai dernier, la France l’est à nouveau depuis le 30 octobre. Moins strict que le premier et par conséquent moins respecté, il laisse tous les établissements scolaires ouverts sauf l’Université où les étudiants doivent suivre les cours à distance, et donc de nombreux secteurs professionnels poursuivent leur activité. Les résidents des EPHAD ne sont plus mis en quarantaine et peuvent recevoir des visites. En effet, après le premier confinement, certains auraient reconnu que dans la vieillesse, ce qui est important, ce sont les liens affectifs et sociaux. Quelle découverte ! Vulnérables certes mais pas déresponsabilisés, c’est le nouveau discours du ministre de la Santé qui découvre que la vie n’est pas seulement biologique mais aussi mentale et sociale. Quant aux patrons, ils sont majoritairement hostiles au télétravail, y voyant une trop grande perte de productivité et cela malgré les chiffres liés au premier confinement. La peur de la perte de contrôle semble encore plus forte que celle engendrée par le coronavirus. Alors qu’au même moment, les syndicats de l’Inspection du travail sont alertés par des fraudes massives de certains patrons au chômage partiel.
- Même les chasseurs peuvent prendre l’air, ayant nous explique-t-on un rôle de régulateurs à jouer auprès de la faune sauvage! Eux peuvent sortir à plus d’un kilomètre de leur domicile pendant que de simples marcheurs ne le peuvent plus. Une multitude d’attestations de sortie existent donnant l’occasion à tout un chacun de trouver un prétexte de balade. Résultat, il y a de fortes chances pour que ce deuxième confinement s’étale dans le temps et pourquoi pas, fasse que les Français(e)s soient obligé(es) de rester confiné(e)s à Noël. D’autant plus qu’il semble prouvé que les principales contaminations se fassent dans le cercle amical et familial. Alors Noël au balcon? La question commence à se poser et les débats médiatiques manifestent l’inquiétude des Français alors que les dernières annonces gouvernementales commencent à les préparer à cette perspective.
- Tout cela donne une impression d’incohérence. Les hésitations gouvernementales vis-à-vis des petits commerces commencent à leur devenir insupportables. Eux qui depuis le printemps ont respecté le protocole sanitaire imposé, face aux grandes surfaces, tout aussi respectueuses des consignes mais beaucoup moins fragilisées économiquement car toujours autorisées à ouvrir,
- Il est certain que si certains échappent à la pandémie, d’autres n’échapperont pas à la crise économique. En effet, comment des hommes et des femmes gagnant leur vie normalement vont-ils pouvoir s’en sortir si du jour au lendemain on leur enlève la possibilité de continuer leur activité professionnelle? Les aides proposées sont par nature toujours insuffisantes pour ne pas dire ridicules. Fin d’année oblige, les chiffres tombent et l’activité économique de la France durant cette annus horribilis a diminué d’environ 10%
- Pour tenter de rétablir un juste équilibre entre les deux, le gouvernement n’a pas donné l’impression d’avoir vraiment préparé ce deuxième confinement que pourtant tout annonçait. Alors que le président de la République qui avait choisi le nouveau Premier ministre pour ses compétences en matière de gestion de crise sanitaire, annonce, tergiverse, recule et finalement s’empêtre. Un reconfinement qui décidément passe mal. Plusieurs tribunes d’intellectuels, d’avocats et de juristes publiées dans les médias manifestent l’inquiétude de leurs auteurs et leur incompréhension. La communication du gouvernement est dénoncée. Les chiffres des contaminations, des décès et des lits disponibles sont contestés. Ces chiffres seraient artificiellement gonflés. La dénonciation du gouvernement de ne pas vouloir investir dans l’hôpital public où 70.000 lits auraient été fermés en 15 ans et où le personnel soignant est déconsidéré, prend de l’ampleur.
- Ces avalanches de chiffres et de déclarations contradictoires instillent le doute et expliquent cette désobéissance des Français lors de ce second confinement.
- Face à cette double peine, le président Macron en est réduit à exalter «l’esprit de la nation» et à prôner la résilience, qu’il fait rimer avec résistance, surtout en ce mois de novembre consacré aux commémorations autour de la naissance, de l’Appel et de la disparition du général de Gaulle, symbole par excellence de ceux qui disent non! Le chef de l’Etat estime important de s’attarder sur ce qui «structure l’imaginaire commun» et «rassemble la France en tant que nation». Belles images, mais il ne doit pas oublier que le principe de la nation s’est construit contre l’autre et qu’en ces temps troublés l’utilisation de certains termes et images peut être mal interprétée. A moins qu’Emmanuel Macron ne veuille persister dans l’utilisation d’un langage guerrier? Pour l’anecdote, l’esprit de résilience, certains ont su le trouver et profiter de la crise sanitaire pour mettre en place un trafic de faux certificats de tests négatifs à l’aéroport de Roissy.
- Il est regrettable que le chef de l’Etat et son gouvernement ne profitent pas de ces difficultés pour envisager un changement de paradigme, en donnant la priorité aux services publics et notamment aux services médicaux dans leur ensemble. Après l’hommage accordé aux personnels soignants au printemps dernier, se profile une incompréhension entre ceux qui sont toujours en première ligne face à la Covid 19, ayant à peine la force et le temps de manifester leur colère et quand ils le trouvent, se font verbaliser par la police, et la population qui refuse de se laisser enfermer au risque d’être contaminée.
- Si guerre il y a vraiment, il faudrait de la part du gouvernement un discours courageux plutôt qu’anxiogène et qu’il ne profite pas de la situation pour proposer des lois d’exception et indignes d’une démocratie, comme par exemple celle proposée par le ministre Darmanin qui vise à empêcher la publication de photos des forces de police en action.
- En revanche, que le chef de l’Etat français prenne le temps d’expliquer ce qu’est la laïcité au sein de la république française à ceux qui ne la comprennent pa, cela semble nécessaire tant cette spécificité paraît unique et difficilement assimilable pour certains. Mais il n’est pas sûr qu’interpeller des écoliers de 10 ans chez eux pour apologie du terrorisme et menaces de mort rassure les Français. Même si la loi de la République rend les enfants responsables de leurs actes et de leurs paroles, est-il vraiment sérieux de débarquer chez eux et de les emmener au commissariat? N’y-a-t-il pas là matière à en faire des citoyens se défiant de la République? N’y avait-il pas moyen de les interroger et de comprendre pourquoi ils avaient fait cela sans procéder de la sorte? Ne peuvent-ils pas être plutôt protégés de l’environnement où ils ont certainement entendu ces propos qu’ils ont répétés? Il n’est pas sûr encore une fois que les Français traumatisés par les attaques contre leur école et contre leur église se sentent plus rassurés et protégés par ce type d’action gouvernementale, judiciaire et policière.
*Cécile Vrain