Soyons lucides et réalistes. La crise sociale très profonde qui affecte notre pays ne sera pas davantage résolue cette année qu’en 2009. Parce que le problème de fond qui est posé n’est pas seulement une question d’énième “plan de formation”, « d’école de la 2ème chance”, d’emploi-tremplin, de contrats aidés, de plateforme Etat-Région etc….
Tous ces dispositifs qui ont été appliqués, deviennent souvent des mesurettes et n’ont hélas qu’une efficacité relative et limitée et ne suffiront pas à sortir notre pays de son profond marasme.
Dès la colonisation et l’esclavage, il faut encore le rappeler, “l’économie” de la Guadeloupe a été “formatée” en fonction des besoins immédiats et de la vision définie par le colon-maître. Il y eu dès le XVIIe siècle un ”outil” appelé « Le Pacte colonial », qui a été mis en œuvre et dont les conséquences se font sentir encore.
Bref rappel des règles du Pacte Colonial :
1°– Toutes les productions coloniales seront exportées vers la seule métropole (comprendre La France) ;
2°– Les colonies ne pourront acheter leurs articles de fabrication que dans la seule métropole ;
3°- Les colonies ne pourront pas avoir de manufactures ;
4°- La métropole ne demandera de denrées coloniales qu’à ses seules possessions ;
5°- Enfin, la marine métropolitaine aura le privilège des transports entre les colonies et la métropole. “Les colonies fondées par les diverses puissances de l’Europe ont toutes été établies que pour l’utilité de leur métropole”.
En clair cela signifie que dès les débuts de la colonisation, notre Guadeloupe qui est une colonie française (un temps anglais), est inscrite dans un “cadre” économique bien précis nous privant d’un véritable développement. Nos productions, notre économie, SONT au service exclusif de la France.
Dans les faits, aucun véritable développement n’est prévu dans la colonie. Au fil des siècles, ce pacte colonial qui perdure encore, n’a généré pour notre pays aucune forme de développement.
Qu’on prenne la canne, la banane, et aujourd’hui le tourisme, notre économie est dépendante. Comment dès lors s’étonner que les cadres, les grandes entreprises pourvoyeuses d’emplois soient pour la plupart étrangères à la Guadeloupe et n’appartiennent qu’à de grands groupes français.
Alors, il ne reste plus qu’aux “ indigènes » de la Guadeloupe, de créer des TPE qui ne pourront jamais générer suffisamment d’emplois pour les guadeloupéens natifs.
Plus grave, dès les années 60’État colonial qui sait parfaitement qu’à cause d’une économie sous développée, le chômage des jeunes ne peut qu’être explosif, créé le BUMIDOM pour exporter nos jeunes vers la France.
Aujourd’hui encore nos politiques ne cessent de répéter que « la Guadeloupe ne pourra jamais offrir des emplois à toute sa jeunesse ». Nous touchons là à la racine du mal…
Du fait de son économie Franco-centrée et dépendante, tant que la Guadeloupe sera sous ce “pacte colonial”, le développement voulu, souhaité et l’emploi pour la jeunesse ne seront que des fictions : « on lélé pou gaga vwè ».
Il faudrait en effet revoir totalement notre système économique colonial et penser à un autre développement.
C’est en ce sens que la crise sociétale actuelle, qui est l’addition des nombreuses crises antérieures, ne pourra pas se résoudre dans le cadre actuel.
Comment peut-on raisonnablement un seul instant imaginer que les 6O% de jeunes au chômage, puissent subitement “trouver” un emploi en Guadeloupe ?
Les politiques et le Collectif +LKP ont-ils déjà compris qu‘il faudrait pour cela revoir totalement le modèle de (faux) développement imposé depuis le XVII siècle et qui n’a pas été ”aboli” en 1848. Il s’est juste transformé. Les Maitres de l’esclavage sont devenus les capitalistes coloniaux. Ils ont d’ailleurs toujours le même épiderme.
Certes, il y a eu des « aménagements, » mais quel est le résultat aujourd’hui ?
Si on examine de près les propositions faites par les candidats aux Régionales (Lurel, Chalus, NOU, Cippa), ils ont presque tous les mêmes paramètres : utiliser le FSE, les moyens de la Région ou de l’Etat colonial pour tenter d’inverser la courbe du chômage, (17 à 20% des actifs). Les moyens qui sont proposés, le sont toujours en période électorale, en outre, on s’aperçoit en fait que ces « propositions » demeurent toutes dans le système actuel.
Et ce système franco-français libéral imposé à nos pays ne marche plus, car l’économie insulaire sous-développée de la Guadeloupe, n’est en rien comparable à celle de la nation française.
Le niveau de production de nos entreprises est trop faible. Les mesures fiscales décidées par et pour la France et l’Europe et mécaniquement appliquées à nos TPE, ne peuvent que les mettre en grande difficulté.
On la sait, cette fiscalité est inadaptée ,ne convient ni à la taille du marché, ni au niveau de CA trop faible de la plupart des TPE…
Allons plus loin, c’est quoi exactement le vrai profil de l’économie de notre pays ?
Historiquement, l’économie de la Guadeloupe est (était) basée sur l’agriculture, puisque ce secteur a concerné jusqu’à 35% du territoire. La Guadeloupe est jusqu’au début des années 60, avant le terrible cyclone Inès, une terre productrice de la canne et la banane, les deux moteurs essentiels du « développement » agricole.
Au début des années 70, les travailleurs agricoles et industriels commencèrent à s’organiser pour tenter de réduire l’exploitation outrancière post-esclavagiste de la part des propriétaires fonciers et des usiniers. Sous l’impulsion de nouvelles organisations syndicales patriotiques, une réforme foncière aboutit à une redistribution et à une occupation des ”terres à ceux qui la travaillent”. ”Les ex-colons partiaires devinrent en quelque sorte des “paysans pauvres”.
Mais cette réforme qui aurait dû s’accompagner d’une vraie révolution au plan politique et dès cette époque d’un changement de logiciel, ne suffit pas à bouleverser la réalité économique coloniale.
Les paysans pauvres en pays colonisé, subissent les lois du marché capitaliste colonial, la concurrence avec les produits importés ; notre agriculture trop dépendante des aides et des règles de la politique agricole européenne, n’ajamais vraiment décollé.
Les actions en vue d’une autosuffisance alimentaire n’ont pas non plus réussi, car entre temps la donne a changé.
La Guadeloupe est entrée dans l’ère de grandes surfaces et de la consommation massive de produits importés
Il y a aussi eu le choc du chlordécone, et en dépit des réels efforts, l’agriculture guadeloupéenne subsiste mais ne peut pas être un secteur, suffisamment productif et créateur d’emplois. Le sucre betteravier, les bananes de pays d’Amérique latine, ont porté de rudes coups au niveau de la concurrence.
Alors, à la fin des années 90 le tourisme est devenu l’axe principal du développement économique.
En dépit de nos handicaps (pas assez d’hôtels de haut niveau), une clientèle trop franco française, mais grâce au travail du CTIG, notre potentiel archipélagique, les îles de Guadeloupe ont fait un bond en avant et sont devenues LA destination d’une clientèle acquise.
Mais la Guadeloupe, pouvait-elle comme St-Martin, Barbade ou les Bahamas ne vivre que de cette économie bleue ?
Selon l’INSEE :
“En 2018, le PIB de la Guadeloupe s’élève à 9,4 milliards d’euros. Il est beaucoup plus faible que celui de la plupart des régions françaises. D’une part c’est un territoire économique de taille modeste, comme les autres départements d’outre-mer (DOM) et la Corse. D’autre part le PIB par habitant de la Guadeloupe s’élève à 24 350 euros en 2018, soit près de 6 000 euros de moins que la moyenne en France métropolitaine hors Île?de?France. La Guadeloupe se trouve également parmi les cinq régions où le PIB par emploi est le plus faible”.
Quelle est alors notre réalité ?
Des fonctionnaires qui se croient guadeloupéens et qui perçoivent les fameux 4O%, sont en réalité administrativement des “français”. Ils sont objectivement à la solde du pouvoir colonial, qui leur permet de bénéficier généreusement des avantages en échange des diplômes qu’ils ont obtenus dans le système éducatif français.
Pourtant au fil du temps, et des grèves ces fonctionnaires coloniaux et colonisés, se sont pour certains retournés et rebellés contre le système,.
Pour maintenir le système en place, on le voit encore, les hauts cadres fonctionnaires et l’administration sont encore franco -français (Préfet, sous-Préfet, ARS, Recteur, Gendarmerie, Impots , Douane…).
Quand un guadeloupéen “obtient” grâce à ses diplômes et ses compétences, un poste de responsabilité dans l’administration, il est totalement au service du pouvoir colonial, qui lui dicte les règles. Ou il les applique avec excès de zèle (ex : Gérard Cotellon), ou alors, s’il veut se rebeller, il doit démissionner.
La classe politique ?
Ah oui ! Est-elle plus libre que les fonctionnaires ? Non, car nos politiques sont les porte-parole et garants objectifs du pouvoir colonial. Ils sont tous “gérés” par la constitution française. maires, conseillers-généraux, régionaux, sénateurs, députés, sont contraints d’appliquer dans le pays, les règles de l’Etat. On comprend aisément pourquoi les élus-patriotes-nationalistes-indépendantistes, même sincères, ont eu un champ d’action très limité, car ils ne peuvent pas trop s’écarter des règles, lois, décrets, règlements, dispositifs qu’ils ont avalisés et auxquels ils sont soumis en acceptant le drapeau tricolore.
Que reste-t-il ?
Les chefs d’entreprises 100 % guadeloupéens pour la plupart, ont des entreprises fragiles qui ne peuvent pas offrir aux diplômés, des emplois et des salaires mirifiques. Cela oblige notre jeunesse diplômée à s’exiler à Paris, Dubai, New York, Londres, Montreal, etc…
En d’autres termes, pour résoudre cette crise systémique, on garde le cadre en changeant de cap?. Ceux qui ont été au « pouvoir « régional : LMC, Lurel ,Chalus, ont sans doute voulu changer de paradigme et réussir là où le prédécesseur avait échoué. Mais du seul fait qu’ils n’ont pu ou su créer une nouvelle donne, rien n’a vraiment changé. Il y a eu pour chaque mandature, parfois quelques centaines de jeunes qui ont gagné quelques sous pendant un moment, mais une fois les CDD achevés, ils redevenaient « hors circuit ».
Nous l’avons compris, le système actuel qui est post ou déjà néo colonial n’offre aucune perspective de développement, sauf à le repenser. Une autonomie dans ce cadre franco-français, en laissant à l’État ses fonctions régaliennes, ne peut en aucun cas permettre un vrai développement, sauf à casser totalement la machine coloniale et à repenser entièrement notre économie.
Est-ce possible ?
Oui si des économistes guadeloupéens, s’attèlent vraiment ( ?) à revoir le système qui nous “tient”. Mais les fonctions régaliennes ne donnent pas trop de liberté à un pays autonome. Sauf à considérer que l’autonomie…. est une voie vers l’indépendance.
Mais autonomie ou indépendance nécessitent 4 révolutions :
1- Une révolution politique pour s’affranchir de la constitution française et de ses lois.
2- Une révolution économique, pour une remise en cause totale du « pacte colonial ».
3- Une révolution culturelle pour revoir nos fondamentaux, notre mode de vie, valoriser notre culture, nos mès é labitid.
4- Une révolution spirituelle, c’est sans doute la révolution la plus compliquée ; garder sa foi, mais ne plus être soumis aux religions importées par les colons.
Car pour sortir de 4 siècles d’une colonisation plus « souple » mais toujours durable il faut se donner les moyens de gérer, de réussir ces 4 révolutions et de les conduire jusqu’au bout.
A la fin des négociations Etat-Collectif+LKP-Elus, on fera le bilan…. en attendant la nouvelle crise?.
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