Pawol Lib (Libre Propos) est une nouvelle rubrique de CCN. Notre rédaction propose donc à tous les progressistes qui le souhaitent un espace de communication, une tribune dont le but principal est de porter une contribution au débat d’idées qui fait cruellement défaut dans notre pays. Les points de vue exprimés dans « Pawol Iib » n’engageront pas nécessairement la ligne éditoriale de CCN mais il nous semble indispensable que les intellectuels, la société civile aient la possibilité de pouvoir très librement opiner dans nos colonnes. Cette fois, c’est Steeve Gadet qui nous soumet son libre propos.
Récemment, beaucoup de gens se sont offusqués de voir des morceaux de fruits à pain congelés originaires du Vietnam vendus dans nos supermarchés. Odyo té ka fè chyen. Moun té kòlè ! J’ai reçu celui d’un guadeloupéen indigné qui demandait aux gens qui organisent l’arrivée de ces produits dans notre pays d’arrêter ça. Thomas Sankara disait que « L’impérialisme est dans nos assiettes ».
En Guadeloupe et en Martinique en 2019, le néocolonialisme est toujours dans nos assiettes. Tu veux savoir ce que c’est ?
Regarde dans nos supermarchés, regarde ce qui est dans nos assiettes, regarde ce qui est moins cher et plus simple à consommer la menm, la menm.
Lorsque des produits qui se gaspillent chez vous arrivent dans vos supermarchés sous vide en provenance de pays étrangers et sont capables de vous faire ignorer votre production locale, vous y êtes. En économie, il y a toujours des perdants et des gagnants. Il faut chercher à comprendre qui sont les gagnants et qui sont les perdants dans cette affaire.
Une fois qu’on a trouvé, vous avez mis le doigt sur les forces conservatrices qui feront tout qu’un pouvoir guadeloupéen autonome ne soit jamais crédible. L’arrivée des fruits à pain, des papayes, des giraumons sous vide originaires du Vietnam ou du Pérou, c’est le résultat du libre-échange.
Le libre-échange c’est purement et simplement une arme de domination massive des économies comme la nôtre. On pourra se frapper la poitrine, se vexer, s’indigner, laisser des messages sur le répondeur et dire que ce n’est pas normal, cela ne changera rien ! Qui dit entrée de produits moins cher sur notre marché dit menace pour nos producteurs, nos pêcheurs et nos éleveurs. Mais, ne soyons pas fatalistes.
C’est possible de contrôler et de mieux réguler ce qui rentre sur votre territoire en restant dans l’Europe. C’est possible en renégociant notre relation avec la république française sans pour autant lui claquer la porte au nez. C’est pour ça que je ne comprends pas les gens qui disent « On peut faire plein de choses sans évoquer la question du statut ». C’est comme si on vous dit « Tu peux manger mais sans utiliser tes mains ». Ouais mais avec les mains, on s’organise mieux non ?!
Une nouvelle adaptation ne suffira pas ni notre génie seul dans la jungle du libre-échange. Tous les pays riches aujourd’hui sont passés par la phase qui nous attend aujourd’hui. Une phase de protection de leurs industries naissantes juste le temps de leur permettre de prendre des forces, de générer des revenus corrects et de se moderniser pour devenir plus compétitifs.
Tant que vous ne faites pas ça, c’est comme si vous demandiez à votre enfant de 8 ans d’aller travailler. C’est insensé ! Il n’est pas prêt. Il a besoin d’être accompagné, éduqué et de grandir encore avant d’aller sur le marché du travail. C’est la même chose pour notre économie.
A bas les slogans, les messages indignés et le libre-échange. Oui à un pouvoir autonome guadeloupéen capable de générer de nouvelles recettes et de changer de modèle mais sans les élus qui n’ont plus la confiance des guadeloupéens…
Steve Gadet (Militant politique du CIPPA)