Pointe-à-Pitre. Dimanche 21 novembre 2021. CCN. En l’espace de 3 nuits très agitées, un autre visage de la Guadeloupe est apparu. Moins d’une semaine après la « grève générale » lancée le 15 novembre par LKP et toutes les organisations syndicales et politiques en lutte contre l’obligation vaccinale et le Pass sanitaire, des groupes de jeunes encagoulés ont investis les rues. Les dégâts sont considérables : magasins cassés ,pillés et/ou incendiés, mobilier urbain détruit, routes « barrées », circulation entravée. Pendant ce temps, la classe politique est comme chaque année en « villégiature » à Paris, à l’occasion du Congrès des maires.
Reportage
Jusqu’au 18 novembre 2021, la grève générale du LKP avait donné l’occasion aux Pompiers en lutte et aux soignants anti -obligation vaccinale/Pass sanitaire d’occuper le terrain. Ici et là il y eut bien quelques « barrages », d’autres fois des brutalités policières suivies d’interpellations, de militants présents sur les piquets de grève.La situation était jusque là maitrisée par LKP, qui a initié ce mouvement.
En fait, depuis la mi-juillet, une trentaine d’organisations syndicales politiques avaient pris l’habitude de « marcher » dans les villes et communes de Guadeloupe, pour tenter de se faire entendre des autorités coloniales et des élus. Elie Domota, le leader historique du LKP, a eu l’occasion de le dire, haut et fort, pourtant ni le représentant du pouvoir colonial français, ni les élus, n’ont daigné accorder la moindre importance à ce souhait LKPien de s’asseoir autour d’une table et ouvrir la négociation.
Il faut aussi souligner que, depuis la grande grève de 2009, à plusieurs reprises déjà LKP a tenté (parfois) vainement de « mobiliser, le peuple » et de « bloquer le système« . Ces tentatives infructueuses du LKP, ont fini par faire croire ou penser à nos politiques et au secteur privé, que le mouvement contestataire guadeloupéen n’avait plus sa capacité initiale de « blocage » et était complètement affaibli.
Fort de cela, une grande partie des maires et autres élus (sénateurs, députés) ont déserté la Guadeloupe et ses problèmes, pris l’avion et sont partis à Paris au énième « congrès des maires de France ».
Certains de nos politiques, ont-ils vraiment ou naïvement cru que cette grande messe franco-française pouvait servir à quelque chose dans le contexte actuel de crise? Sur des images diffusées sur les réseaux sociaux, on les voit, ces élus, heureux,
hilares, joyeux, bouffant, sirotant alors que sur le terrain, des soignants sont sans salaires, parce que suspendus, par les DG des hôpitaux et cliniques du fait de l’application de la loi du 5 aout 2021 (Obligation vaccinale).
Alors dès vendredi matin, quand nos élus « parisianisés » se sont subitement rendus compte de l’ampleur des dégâts et des conséquences de leur silence: ils se sont réveillés;
ils ont fait içi et là des interventions dans les médias parisiens, mais il était déjà trop tard. Oui, car des jeunes encagoulés, s’étaient déjà répandus à la tombée de la nuit dans les rues de Pointe-à-Pitre, de Basse Terre, des Abymes, pour casser, briser, incendier, dérober..
Qui sont ces encagoulés ?
Ce ne sont pas des militants, ni même des membres des organisations syndicales ou politiques. Ils ont tous en commun, un véritable ras le bol du « système babylonien », ils détestent les manblos, et n’accordent la moindre confiance à la classe politique. Ces jeunes « désoeuvrés », chômeurs diplômés pour certains ,sont considérés comme » marginaux ».
certains ont déjà faits la prison et sont presque à considérer que le passage derrière les barreaux c’est un presque « passage » obligé.. ils sont aussi, parfois adeptes des substances illicites et de l’alcool. ils profitent de la crise anti-vaccin ,des manifs du mouvement social, pour exprimer à leur manière leur frustration d’être comme abandonnés, marginalisés dans une société de consommation. Ces pillages, sont pour eux à la fois, un moyen de défier « Babylone » et de pouvoir à leur tour et de façon illégale profiter du système ».
Pour avoir passé une nuit près d’eux, ce vendredi dans les rues de Pointe-à-Pitre et sa proche banlieue, force est de constater, que ces » casses » font partie de leur « challenge ». Car, à chaque « attaque » des flics, je les ai vus portables à la main, en train de filmer – en toute inconscience – les conséquences économiques et les dégâts qu’ils causaient. Ces images circuleront ensuite sur les RS et dans leurs groupes. Chaque magasin « cassé » ou « détruit » est pour eux d’abord comme une « victoire » et en même temps l’occasion souvent « rêvée « de se « servir » en dépouillant et en incendiant un magasin à téléphonie , une banque ou un supermarché. Curieusement ces jeunes sont parfois des ados, sur qui les parents ont peu d’influence.
Mais quand on sait qu’en Guadeloupe , les jeunes entre 15 et 29 ans sont à plus de 31% des chômeurs, (1 jeune sur 3) on comprend pourquoi, dans les rues de Pointe à Pitre, mais aussi des autres villes de la Guadeloupe, qu’ils soient quasiment aussi nombreux que les flics.
Les barrages établis sont à la fois, pour eux un moyen de bloquer les « système » , de s’opposer aux forces de l’ordre – leurs principaux adversaires – mais aussi d’exprimer leur ressentiment à l’égard de la société actuelle.
Pour l’heure, le problème sociétal qu’ils posent en Guadeloupe, mais aussi en Martinique et la Réunion, ne sera pas résolu en Guadeloupe par l’envoi de 200 militaires supplémentaires,(Raid et GIGN) ni par le train des mesurettes habituelles circonstanciées, que proposera le Pôle emploi. Il est sans doute temps que cette question cruciale soit vraiment traitée dans toutes ses dimensions. La classe politique ne peut plus ignorer qu’à chaque crise sociale, ces jeunes encagoulés reviendront.
Tout est à faire…. Le message est désormais clairement défini.
Quant au LKP, il ne peut que continuer à se battre, contre le système colonial pour l’abattre mais et c’est cela le paradoxe, le LKP peut-il exiger que les élus souvent mis en cause, s’impliquent vraiment dans les problèmes du pays Guadeloupe ?
Des élus frileux qui n’ont ni l’envie, ni la force pour s’opposer au pouvoir colonial. Il ne faudrait surtout pas que jeunes encagoulés dans leur dérive soient malgré tous les « soldats » du combat colonial.
Car à bien regarder, ce sont les violences des 3 nuits précédentes à Pointe à Pitre, Petit-Bourg, Basse Terre qui obligent le pouvoir colonial, à une réunion interministérielle de crise. Cela ne s’était jamais vu depuis 2009…Mais la réponse du pouvoir colonial ,c’est comme à chaque fois, la répression, pas la négociation espérée.
LKP de son côté maintient avec toute la fermeté nécessaire sa mobilisation , sa plateforme de revendications et souhaite des engagements de l’Etat. Sera-t il entendu? ou alors faudra t-il qu’il y ait quelques morts pour que l’Etat colonial accepte enfin d’écouter la grande colère du peuple Gpéen et son refus de l’obligation vaccinale?
Ce mardi, les élus et parlementaires politiquement ,affaiblis devraient rencontrer des ministres français. le gouvernement français est il prêt a renoncer , ou abroger la loi du 5 aout 2021 pour ses dernières colonies? . A entendre G. Darmanin le ministre français de la Police, rien n’est moins sur.
On retiendra cependant que malgré tout, ce sont les désordres, barrages violences, pillages, incendies des jeunes encagoulés qui ont lourdement pesé dans le processus de rencontre entre Elus et ministres.
LKP et les élus-siroteurs, devraient-ils pour cela « remercier » les jeunes?
Danik Zandwonis