Kingstown. Samedi 10 avril 2021. CCN. À 8 h 41, ce vendredi 9 avril 2021, le volcan La soufrière, situé dans le nord de l’île de St Vincent est entré en phase active d’éruption. Le volcan a libéré un immense panache de gaz et de matière poudreuse. Un gigantesque champignon, s’est alors élevé à une altitude de plusieurs kilomètres qui n’a pas manqué d’assombrir le ciel St vincentais. Depuis des mois, la situation préoccupante du volcan est suivie par les autorités de l’île. Hier, en milieu d’après midi, le Docteur Ralph Gonzalves, premier Ministre de St Vincent et les Grenadines a déclenché l’alerte rouge. Il a ordonné l’évacuation de la zone classée rouge qui concerne majoritairement le nord de l’île.
Un grand exode s’en est suivi. De nombreux embouteillages ont été observés. Des accidents liés à une certaine panique de la part d’automobilistes aussi. En cette période difficile, de
gestion du Covid, le gouvernement de St Vincent et des Grenadines n’est pas seul. La coopération régionale du Caricom joue le jeu.
Ainsi, plusieurs voisins de St Vincent dont Trinidad et la Barbade se sont proposés d’accueillir des réfugiés de la catastrophe naturelle. Mais, ont-ils déclaré, ceux ayant reçu le vaccin anti-covid 19 de préférence.
Que choisir donc, la sécurité de la population face à une catastrophe naturelle majeure, ou le choix de mesures qui, en pareille situation ne sont d’aucune utilité pour sauver la vie de St Vincentais ?
Quoi qu’il en soit, plusieurs navires, ont été mis à contribution afin d’aider la population à évacuer. Certains bateaux de croisière, qui jusqu’à ce jour mouillaient à Porto Rico, attendant des heures meilleures, ont pris la mer. Ils doivent contribuer à la mise en sécurité rapide d’une population déboussolée par la catastrophe annoncée. Avec l’éruption survenue, ce vendredi 9 avril, 8 h 41, bien malin qui pourrait dire comment la zone à risque sera impacté.
L’incertitude est d’autant plus grande que l’île est habituée aux éruptions explosives et extrêmement dévastatrices. Dès la fin de l’année 2020, de nombreux signes révélateurs indiquaient une possible éruption de la Soufrière dans les mois à venir.
Le Gouvernement de l’île, en collaboration avec le Seismic Research Center de L’Université des West Indies de Trinidad et Tobago avaient alors mis en place un dispositif de surveillance permanente. Des équipes de vulcanologues se relayaient alors au sommet de la Soufrière afin d’opérer des mesures utiles à affiner leurs prévisions quant à l’imminence d’une catastrophe naturelle majeure à St Vincent.
L’usage de drones s’est révélé fort utile afin de suivre, à moindre risque, l’évolution des événements. C’est ainsi qu’au mois de décembre 2020, ils ont observé l’apparition d’un nouveau dôme en bordure d’un autre, plus ancien celui-là, vestige de 1979. C’est en effet la date de la plus récente éruption connue par l’île. Au cours de ces derniers mois, ce nouveau dôme n’a cessé de d’amplifier de volume. Il est passé de la taille d’une meule de fourrage à dix fois plus gros. hier encore, il était un immense tas de matière minérale extrêmement chaud venu du fond de la terre. Ce tumulus accompagné de fumeroles a soudainement changé de ton. Depuis deux jours les tremblements de terre appelées trémors se multipliaient en fréquence et en intensité.
De l’avis du Professeur Richard Robertson, géologue à l’observatoire de Belmont à Saint Vincent et les Grenadines, il s’agissait là d’un signe évident d’une remontée rapide du magma. Les éléments propres à générer une éruption dans les 72 heures étaient donc bien en place. Hier, à la nuit tombante, quelques heures après l’annonce du premier ministre, on pouvait déjà observer plusieurs points lumineux, signe que le magma était à fleur de terre.
Ce matin, peu avant l’éruption, les caméras de surveillance indiquaient de fines trainés de lave le long du nouveau dôme. « La soufrière, de St vincent appartient aux volcans dits de type péléens. La lave n’est pas aussi fluide que celle que l’on peu observer à Hawaï. A son arrivée à la surface, elle se solidifie », rappelait, il y a quinze jours, le Professeur Richard Robertson, géologue de l’observatoire de Belmont à Saint Vincent dans une communication avec l’Université des West Indies et les Grenadines. Il y expliquait les raisons de la formation du dôme. La lave remontée à la surface, se transformait en granulat. Ceci lui faisait craindre une éruption extrêmement explosive à l’image de celles que l’île à connue par le passé. La première nous est relatée dans une chronique du 26 mars 1718. Elle fut rédigée par Daniel Defoe, auteur de Robinson Crusoé. L’auteur y rapporte des crachats de feux terribles. Il parle aussi de coups de tonnerre assourdissants, d’une cendre aussi dense que la fumée, aussi fine que de la poussière et aussi dure que le sable. Il indique que de nombreuses embarcations furent englouties par le dépôt de ces dernières. Cet amas poussiéreux s’étala alors jusqu’aux îles de St Kitts et Nevis. 94 ans plus tard, l’éruption du 30 avril 1812 fit 56 morts chez les colons. Ceux-ci venaient d’exterminer la majeure partie de la population kalina dans des guerres sans nom. L’île fut alors couverte par 25 cm de cendres.
Plus récemment, c’est une île démunie et qui venait tout juste de célébrer son indépendance qui connu l’éruption de 1979. Les nouvelles autorités durent accueillir sous des tentes de secours, une population désemparée et qui se demandait quel allait être désormais son avenir. Cette nouvelle éruption n’est donc pas loin de réveiller ces vieux souvenirs. Mais plus que tout, c’est le sang froid et la prévoyance des autorités du pays qui pourrait être salué. Dans cette gestion de crise, chaque séquence semble avoir été scrupuleusement préparée et déclenchée en temps et en heure.
Nous sommes loin de la catastrophe que fut le 8 mai 1902 à Saint Pierre, ou encore, des jérémiades de scientifiques français venus exporter leurs ripages sur les flancs de la soufrière en 1976. Ils avaient rendu inaudible la voix de celui, qui dès le début avait vu juste, un certain guadeloupéen appelé Michel Feuillard.