Pointe à Pitre. Mardi 31 mai 2022. CCN. Quand le temps n’est plus ce que l’on croyait …« Je suis en pleine renaissance dit-il… ». Il, c’est Éric Gagneur, danseur-chorégraphe que la vie n’a pas épargné.

Originaire de la Guadeloupe, Éric Gagneur, danse depuis son plus jeune âge par amour « du bouger » comme il aime à dire. C’est en découvrant un jour Alvin Aley à la télévision, que la danse s’inscrit en lui comme un projet de vie. Il décide alors de devenir danseur professionnel, et se donne les moyens d’y parvenir, avec une détermination sans limite. Il dansera plus tard dans les ballets d’Alvin Aley ou Maurice Béjart.

De retour en Guadeloupe, Éric Gagneur, chorégraphe-danseur diplômé d’état et monteur de nombreux ballets tant dans son pays qu’ailleurs, a su pendant des années transmettre sa passion de la danse en alliant dans son enseignement très pointu de la gestuelle, technique et liberté de se mouvoir.

Mais en 2007, sa vie bascule à la suite d’un accident cardio-vasculaire…

Même si on peut imaginer toutes les émotions qui ont pu le traverser,  lui, son corps, son âme, c’est avec une grande humilité et résilience, qu’il accepte ce destin. Après tout dit-il, il est en vie !

Et tant qu’on est en vie, on se doit de vivre chaque instant présent avec le temps qui nous est imparti…

Dans la restitution d’une résidence élaborée au Studio Karukéra Ballet, avec la collaboration de Xavier Chasseur-Daniel, Nicolas Nabajoth et bien d’autres, c’est en parti ce message que nous délivre Éric Gagneur. Vouloir revenir à la danse en ayant à l’esprit le modèle du passé est un suicide…. La situation a changé. Il faut le temps nécessaire pour l’accepter… Le temps incompressible pour l’intérioriser… il faudra le temps utile pour apprendre à communiquer et se l’apprivoiser…

Le temps …C’est celui qu’Éric Gagneur prend pour sortir du coin du studio, et venir nous rejoindre au milieu de la scène. C’est aussi celui du balancier qu’il imagine avec sa canne, qui s’inscrit dans le déroulement d’une journée de la vie courante où chacun vaque à ses occupations dans un brouhaha quotidien… Le temps, c’est également celui qu’il prend pour faire corps avec la musique, quand le bonheur d’avoir atteint l’objectif tant attendu se réalise…

Notre temps à cet instant est devenu le sien… suspendus à la prouesse qu’il exécutait devant nous.

Nous étions tous capables de ressentir l’effort à produire, la volonté qui l’anime, la ténacité dont il fait preuve, la liberté qui le définit, et la joie qui l’envahit …

Dans cet espace restreint où le temps de l’horloge s’est figé, nos temps intérieurs s’entrecroisaient au rythme des émotions et des énergies que chaque individu ici présent dans cette pièce pouvait ressentir. Ensemble, nous avons avec infiniment de douceur, de compassion et de pudeur accepté de partager cette belle leçon de vie qui nous était offerte.

Comment ressortir d’une expérience comme celle-ci sans être questionné par la fragilité des êtres que nous sommes ? Comment continuer à penser que cela n’arrive qu’aux autres ? Comment mettre en place ce processus d’écoute de soi auquel nous devrions être encore plus sensibilisés ?

Au-delà de la renaissance et de la résurgence de l’homme, c’est aussi un accompagnement thérapeutique évident tant pour les patients qui en avaient les aptitudes au préalable, que pour ceux qui pourraient les découvrir dans l’apprentissage.

Merci Monsieur Éric Gagneur de nous avoir démontré que c’est possible !

Déborah Vey