Basse-Terre-Capitale. Vendredi 7 mai 2021. CCN. Les 27 et 28 avril 2021, s’est tenu un séminaire virtuel international Local Voices : sur les utilisations du patrimoine archéologique dans la Caraïbe. Financé par la fondation Wenner-Grenn avec le partenariat du Conseil départemental de Guadeloupe et le projet CaribTrail, ce webinaire a eu un écho remarquable à l’étranger. Ce séminaire est dans la continuité d’un projet débuté en 2019 par trois chercheurs caribéens Dr Soany Jean Joseph (Haïti, Projet CaribTrail), Dr Herrera Malatesta (Venezuela, Lorentz Center) et Katarina Jacobson (Doctorante de Guadeloupe basée au Conseil départemental). L’idée était de commencer à identifier, avec des acteurs caribéens, les principaux défis du patrimoine archéologique dans les différentes îles de la Caraïbe. Ces échanges entre archéologues caribéens sont le signe que dans notre région, ce patrimoine de notre passé précolombien reste relativement méconnu de la grande majorité parce que pas suffisamment mis en valeur. Récemment encore d’importantes découvertes précolombiennes ont été mises à jour, en Guadeloupe, mais combien d’archéologues natifs ont participé à ces travaux ?
En fait, cette démarche a germé au cours du projet Nexus1492, à l’Université de Leiden, auquel nous étions affiliés, et durant lequel nous avons observé la sous représentativité des acteurs caribéens dans les recherches patrimoniales en cours. Il s’agissait alors pour nous, d’amplifier la voix des chercheurs locaux et de leur permettre de travailler plus facilement en synergie.
Le projet a reçu le prix de la Fondation Wernner-Gren. Dans un premier temps, nous avons réuni des chercheurs des différentes îles de la Caraïbe, qui ont accepté d’écrire un article sur les challenges du patrimoine dans leur île respective. De ces articles, sera édité courant 2021, un recueil baptisé Local Voices : the uses of archaeological heritage in the Caribbean.
Pour la Guadeloupe et Martinique, j’ai aussi co-écrit un article avec Laurent C. Ursulet (CTM, Martinique), Matthieu Ecrabet (Cap Nord, Martinique) et Dr. Pierre Sainte-Luce (Groupe Manioukani, Guadeloupe) sur la patrimonialisation dans les îles francophones à travers l’archéologie, le musée, le patrimoine précolombien, le patrimoine colonial et l’aspect touristique et économique.
L’étape suivante était donc l’organisation d’un colloque en Guadeloupe en Juillet 2020, reporté à cause de la Covid-19. Nous avons finalement opté pour un webinaire interdisciplinaire, gratuit et multilingue (français, anglais et espagnol) de deux jours qui visait à jeter les bases d’une communauté d’experts caribéens en archéologie, en muséologie et dans des disciplines connexes, de dirigeants amérindiens et d’agences gouvernementales. Pour cela, nous avons souhaité créer un espace permettant d’entamer les échanges et discussions entre les chercheurs, les représentants des communautés, les représentants amérindiens et les organisations gouvernementales locales et régionales, acteurs de la société civile, archéologues et professionnels du patrimoine afin d’échanger sur des problématiques rencontrées dans nos territoires autour du patrimoine, de sa préservation et de sa valorisation.
Le webinaire a été planifié comme suit. Chaque jour, après avoir écouté deux présentations (de chercheurs originaires de la Caraïbe), une session de questions/réponses a été organisé. Il s’en est suivi des sessions parallèles de travail au cours des quelles les participants étaient répartis et pour lesquels il leur était demandé de participer activement. L’objectif étant de sortir des sessions avec des propositions concrètes pour répondre aux thématiques proposées :
Q1 : Comment les communautés contemporaines de la Caraïbe abordent-elles le passé matériel ? / Quel est le rôle de la population et des communautés locales de la Caraïbe dans la création et l’avenir du patrimoine archéologique ?
Q2 : Comment pouvons-nous aborder les risques naturels, le changement climatique et leur impact sur le patrimoine archéologique ?
Q3 : Quels sont les moyens les plus efficaces pour diffuser les résultats archéologiques aux non-universitaires dans la Caraïbe ? / Comment pouvons-nous créer une communauté pérenne entre les chercheurs et les membres des communautés locales vivant dans les zones rurales et urbaines ?
Les conférences, tout public, portaient sur :
– la décolonisation du patrimoine archéologique de la Caraïbe. Dr. Grace Turner (Les Bahamas)
-les défis environnementaux et la conservation du patrimoine culturel et naturel dans la Caraïbe. Mme Mac Donald Stacey (Bonaire)
– l’interprétation muséale du patrimoine archéologique en tant que site de conscience. Alissandra Cummins (Barbade)
– le Patrimoine archéologique de la traite négrière transatlantique. Dr. Winston F.
Phulgence (Sainte Lucie)
De plus, au cours de l’après-midi du premier jour, une session supplémentaire a été organisée à destination exclusive d’acteurs du patrimoine de la Guadeloupe et de la Martinique, afin d’échanger sur les problématiques propres au statut de nos îles francophones face à la gestion patrimoniale.
De ces débats dynamiques, il a été conclu qu’il fallait continuer les échanges et collaborations, notamment par différentes actions concrètes. Nous avons ainsi proposé la création à court terme d’une newsletter pour parler de l’actualité archéologique, des actions patrimoniales de chacun, de la recherche publique et universitaire, des projets en cours, des chantiers patrimoniaux, etc.
Un autre exemple est la réalisation d’un second volume de Voix Locales qui abordera les thèmes et actions proposés lors du webinaire. Ce volume se veut également collaboratif, écrit par plusieurs auteurs par chapitre, présent pendant cet évènement.
On peut donc retenir que le webinaire fut un franc succès, au dire des participants, qui étaient plus de 80 notamment le premier jour. Venus des 4 coins de la Caraibe : la Jamaique, St Kitts, Antigua, Guadeloupe, Martinique, Dominique, République Dominicaine, Haiti, Grenade, les Bahamas, la Barbade, Ste Lucie, la Californie, la France ou encore les Pays-Bas.
Les participants ont été actifs et très investis. Ils ont alimenté le débat avec de questions pertinentes, des réponses franches. Il en est ressorti la sensation que ce genre de débat entre acteurs différents étaient utiles pour faire avancer l’archéologie et les disciplines connexes et répondre aux challenges associés. Ils ont même réclamé une suite à ce webinaire
Local Voices est un mouvement, une dynamique que nous voulons promouvoir et pérenniser afin que puisse se créer un véritable réseau local, basé dans l’archipel, pour une aide mutualisée qui permettrait un partage de compétences et d’expertises. Les membres du réseau pourraient alors s’entraider, sous forme de collaboration à court et à long terme, construire un environnement de résilience et fournir les premiers secours au patrimoine archéologique en cas d’urgence (comme lors des catastrophes naturelles).
Lien pour suivre le replay des présentation (en anglais) : (1) Local Voices | Facebook