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Guadeloupe. Résistances. Au CHU et au Centre des Arts de Pointe à Pitre 2 combats pour une justice commune

Guadeloupe. Résistances. Au CHU et au Centre des Arts de Pointe à Pitre 2 combats pour une justice commune

Pointe-à-Pitre. Vendredi 17 juin 2022. CCN. Depuis déjà près d’un an, les mobilisations se multiplient dans la ville de Pointe-à-Pitre suite à la situation politique, sanitaire et économique que subit la Guadeloupe. Les abors du Centre Hospitalier Universitaire (CHU) et le Centre des Arts et de la Culture (CAC) se sont vus « occupés » par des résistants qui y ont élu domicile dans ces deux lieux. Les « résistants » clament leur indignation. Cependant, à première vue, les motivations diffèrent.

Le « bik a rézistans » (le village des résistants) du CHU s’est officiellement installé depuis le mois d’octobre à la suite de l’annonce du président français Emmanuel Macron indiquant la suspension de tous les personnels soignants non vaccinés de la Covid 19. La résistance avait, cependant, commencé depuis le 17 juillet 2021 par des marches dans tout le pays chaque samedi avec le soutien de UTS-UGTG (Union des Travailleurs de la Santé ; affiliée à l’Union Générale des Travailleurs de Guadeloupe) avant de s’installer de façon permanente au CHU en octobre. La raison principale qui a mené à cet appel à la mobilisation fut l’introduction du pass vaccinal obligatoire pour toutes les personnes travaillant dans le secteur médical dans un pays où moins de 40% de la population a ”accepté” de se faire vacciner.

Du côté du CAC (Centre des Arts), c’est depuis le 5 juillet 2021 que la résistance s’est mise en marche. Le « Kolèktif Awtis Rézistans » a décidé de « squatter » le chantier inachevé du Centre des Arts et de la Culture qui n’évolue pas depuis déjà plus de 12 ans. Seul et unique lieu de rencontres des artistes avec une capacité d’accueil plus grande que toutes les autres salles de la Guadeloupe, sa fermeture a entraîné l’arrêt de tous les projets artistiques de grande ampleur et ce depuis plusieurs années.

Cette date du 5 juillet 2021 ne fait pas suite à une décision directe d’un représentant de l’Etat français comme cela a été le cas pour les soignants mais simplement l’expression d’un réel ras le bol qui dure depuis des années sur fond de promesses de rénovation qui ne voient jamais le jour. Entre le maire de la ville de Pointe-à-Pitre – Harry Durimel et la Communauté d’agglomération CAP Excellence, personne ne souhaite prendre l’initiative de redonner vie à ce haut lieu de culture. Comment en est-on arrivé là ? Les artistes présents parlent de mauvaise gestion financière. En fait, l’ancien maire de la Ville, Jacques Bangou, a laissé à son successeur, un déficit abyssal, plus de 85 millions d’euros. La nouvelle équipe en place, ne pouvait aucunement consacrer le moindre centime à la renovation du CAC. La communauté d’Agglo, Cap excellence, qui est désormais propriétaire du site, de son côté n’a jusqu’ici, reçu d’aides ni de la Région, ni de l’Etat. Le CAC était donc totalement à l’abandon.

C’est donc symboliquement que les soignants en résistance, ont choisi d’investir le parking du CHU et le artistes le chantier du CAC afin d’adresser un message clair aux dirigeants politiques : « Nou péké lagé on may».

Contrairement à ce que l’on pourrait penser, ce ne sont pas uniquement des personnels soignants suspendus et privés de revenus qui tiennent ce piquet de grève devenu “lakou santé ». Ce sont aussi des personnes retraitées venues témoigner leur soutien à une cause qui leur semble juste.

Mme Sormain, une retraitée présente systématiquement du lundi au vendredi et du matin au soir, au “lakou santé” a indiqué à CCN vouloir se battre car son fils fait partie des soignants suspendus. Mme Nobial, également retraitée, a choisi de venir dans le seul et unique but de témoigner son soutien à tous les suspendus, sans pour autant avoir aucun lien personnel avec l’un d’entre eux.

Ces deux femmes parmi tant d’autres suivent le mouvement depuis son installation devant le CHU en octobre 2021.

D’autres secteurs de travailleurs, tels que le transport, le bâtiment, le commerce ou encore l’emploi soutiennent également a lutte”, nous a confié Jocelyne, soignante suspendue en lutte depuis les premières marches de juillet. Ce soutien interprofessionnel permet au « bik » de ne jamais être déserté et ce même durant la nuit.

Contrairement au CAC qui, au vu de sa spécialisation artistique, ne peut compter essentiellement que sur les artistes en lutte. Cependant, leur présence, même partielle, permet au lieu de reprendre vie, car le CAC, laissé à l’abandon était devenu un squat pour SDF i en plus d’être infesté par les rats et les moustiques. Triste situation pour un site qui a été pendant les dernières décennies d’avant sa fermeture, The place to be pour la culture. Malgré une organisation relativement différente, la lutte demeure la même. En effet, c’est la classe politique et son indigence qui est visée dans les deux cas.

Anthony Vila (« Antonwè »), l’un des artistes interrogés par CCN au CAC, nous a confié vouloir « forcer les politiques à finir le projet ». D’autres dénoncent « l’inaction des politiques » face à cette situation qui n’a que trop duré.

De plus, en début de semaine dernière, les résistants se sont vu restreindre l’accès à l’eau et à l’électricité au CAC sur décision du maire de Pointe-à-Pitre et cela sans concertation préalable avec eux. Harry Durimel, on l’a maintes fois dit, ne s’est jamais déplacé afin d’ouvrir des négociations.

Les artis an rezistans considèrent que l’État privilégie systématiquement la répression au détriment de l’échange. Résultat, aucune évolution n’est envisageable tant que les dirigeants politiques (le maire de la ville et CAP Excellence) ne s’organiseront pas vraiment en faveur de la réouverture du site.

Du côté du CHU, c’est le même combat. Les résistants dénoncent le manque de considération du gouvernement français envers les spécificités sanitaires économiques, culturelles et sociales de la Guadeloupe. En effet, en plus de se battre contre l’obligation vaccinale des soignants, le personnel suspendu ainsi que ses soutiens luttent pour un meilleur système de santé.

Les conditions de travail des personnels du CHU déja précaires, se sont d’autant plus dégradées depuis l’incendie du 28 novembre 2017 qui a détruit une partie de l’hôpital, les forçant à se débrouiller avec les “debris” restants et le Batiment n’a toujours pas été remis aux normes à ce jour.

Gaby CLAVIER, délégué syndical de l’UTS-UGTG, explique que l’objectif principal de cette résistance est de « forcer l’administration générale, la classe politique, la direction des établissements à se rendre compte de la solidarité et de la force des militants ».

Dans les deux cas, ce sont bien les dirigeants politiques qui sont pointés du doigt et contre qui la résistance se poursuit. Cette solidarité est devenue le moteur de la résistance au sein de ces deux lieux.

C’est à travers le soutien des partisans que les militants puisent la force de tenir tête aux acteurs politiques. En effet, au CAC, Antonwè nous a confié que durant les premiers mois de la lutte, le squat était actif le jour comme la nuit et ils recevaient l’aide de particuliers qui leur offraient de la nourriture, des fruits et des légumes régulièrement. Ce système est identique au CHU car c’est grâce à ces dons alimentaires et financiers que les militants peuvent survivre sans salaire depuis le mois de novembre 2021.

Une banque alimentaire a même été créée dans un local à l’entrée du CHU afin de distribuer chaque mardi des denrées de première nécessité aux personnels soignants suspendus. Ces denrées proviennent essentiellement de petits commerçants, de particuliers mais aussi de la Mutualité Française partisante de la lutte. Jocelyne a également ajouté qu’il arrive que des bons d’essence soient offerts aux soignants grâce aux dons, mais aussi qu’ils peuvent recevoir de l’argent de personnes qui ne sont pas mobilisées sur le site mais qui souhaite témoigner de leur soutien à leur échelle.

Des évènements culturels sont également organisés régulièrement au sein du « village » du CHU et au CAC afin « de contrer l’isolement [et] se renforcer psychologiquement et culturellement » d’après Gaby CLAVIER. Des ateliers débats et des conférences sur des thèmes variés comme la santé et la culture chaque mardi et vendredi, contribuent à faire vivre le mouvement.

Au Centre des Arts, ce sont des visites scolaires sur le chantier, des expositions et des conférences qui témoignent de l’engagement culturel inhérent à la lutte des artistes. D’après ces derniers, ces événements « dérangent », c’est pourquoi ils sont nécessaires pour attirer l’attention de ceux qui ont le pouvoir d’agir.

Ces deux mouvements sont donc portés par la solidarité populaire, démontrant plus distinctement le manque d’engagement politique des dirigeants en faveur de la population.

La culture, la santé et de meilleures conditions de vie pour les travailleurs du secteur médical et de l’art ne semblent pas être une priorité pour ceux qui sont au pouvoir selon les militants.

Cependant, à un mois de célébrer un an de squat au Centre des Arts et de la Culture, l’heure du bilan s’impose pour ces artistes qui ont progressivement commencé à perdre le soutien qu’ils avaient reçu au début. Le piquet de grève n’est plus autonome, et sans eau ni électricité, il devient d’autant plus compliqué de tenir face à l’adversité.

Alors qu’au CHU il n’est pas question pour les résistants de baisser les bras après tous ces mois de lutte le discours diffère quelque peu au CAC. Certains commencent à se demander comment envisager la suite de la lutte dans un lieu qui demeure jusqu’à présent laissé pour compte. Le Centre des Arts et de la Culture aurait-il perdu sa place dans le cœur des guadeloupéens à cause de l’inaction politique ?

Njuana Flandrina (Stagiare)

ccnfirst.COM

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