Tout le monde y pense et de plus en plus sérieusement, mais personne n’ose y croire vraiment. Ré-examinons la situation actuelle avec notre lucidité habituelle, notre subjectivité mais aussi notre connaissance du pays et des « acteurs » qui y vivent.
1/ Flash Back. Tout est parti de la crise post-incendie du CHU de la Guadeloupe. Près de deux ans après en dépit des nombreux cris de détresse et de souffrance des travailleurs de la santé, les choses n’ont pas beaucoup bougé pour ce qui a trait à l’amélioration de l’offre de soins, ni aux conditions de travail de ceux qui doivent bosser au quotidien dans un CHU dégradé.
2/ Au niveau administratif ça a par contre beaucoup bougé. L’ex-directeur de l’ARS a été rappelé à Paris, pas pour le sanctionner, mais pour se faire remplacer par Valerie Denux une militaire qui a débarqué, croyait-on pour tout remettre en état de marche. Trop rigide et trop « fonctionnaire » dans son approche, un an après, elle a pratiquement déjà échoué dans ses missions. Il ne serait pas étonnant qu’elle soit à son tour rappeller par Paris, sauf… ( on y reviendra ! )
Le directeur du CHU a lui aussi été débarqué. Et c’est Gérard Cotellon, ( avec l’appui d’Ary Chalus ? ) un haut cadre de l’APHP qui a « hérité » du CHU post-incendie. Cotellon qui est Guadeloupéen, qui connaît son pays, d’entrée a semble t-il même souhaité une parfaite « collaboration » avec le « boss » syndicaliste de l’UTS-UGTG : Gaby Clavier. Les rapports entre les deux hommes, convenables au tout début, se sont détériorés depuis quelques semaines… Gérard Cotellon, tout Guadeloupéen qu’il est, est aussi un fonctionnaire français, il a donc une feuille de route et il ne doit pas s’écarter d’un iota, de la politique française en matière de santé. Il sait qu’il est « cadré », sauf à prendre le risque d’être « rappelé à l’ordre » avant d’être rappelé tout court.
3/ Au niveau de l’Etat colonial. Il y a eu une visite éclair d’Agnès Buyzin, ( sept 2018 ) la ministre française de la santé avait alors affirmé que l’état n’allait pas laisser la Guadeloupe sans un hôpital digne de ce nom et que l’état allait mettre la main à la poche » OK. pawol an bouch.
A la même période, Macron est lui aussi venu… mais pour les sargasses ; mais en passant il a posé une nouvelle fois la 1ère pierre du nouveau CHU.
Beaucoup plus tard ( Avril 2019 ), Annick Girardin, ministre des dernières colonies françaises s’est elle aussi rendue sur le chantier du nouveau CHU. Il y a eu après le grosse manif du 1er août quelques avancées : 20 millions de credit transformés en « subvention ». Les dettes fournisseurs en passe d’être effacées, donc la pharmacie du CHU pourra de nouveau être approvisionnée. Reste le cas de la polyclinique et de la maternité en livraison lointaine ( Oct 2020 ).
4/ Au niveau syndical. Les travailleurs de la santé n’ont pas cessé depuis l’incendie ( Novembre 2017 ) d’alerter l’état colonial, la présidence du Conseil Général, la direction du CHU sur les conséquences réelles de la situation catastrophique du CHU.
C’est ainsi que depuis quelques mois, la crise du CHU est devenue une crise sanitaire pour la Guadeloupe. Cela peut aisément se comprendre. Ce CHU étant ( théoriquement ) le pôle excellence de service public pour la santé en Guadeloupe, s’il ne peut plus assurer et ni assumer ses vraies fonctions, cela signifie que les interventions urgentes : obstétrique, Neo natale etc.. sont en demi-teintes.
Une fois le mot de crise sanitaire lancé, c’est devenu le punchline des syndicats et cela permet de mobiliser TOUT LE MONDE, car la crise sanitaire dépasse le cadre du CHU et devient une affaire nationale en Guadeloupe.
Aux cotés des syndicats, « la sainte famille guadeloupéenne » commence à se rassembler. Une Coordination des organisations politiques anticolonialistes soutient activement le mouvement social ; les groupes culturels aussi, ainsi que des personnalités venues de tous et sur le réseaux sociaux et sur le net ça flambe.
5/ Pourquoi tout peut se déchirer ? parce qu’entre temps la direction du CHU a assigné en justice et fait condamner l’intersyndicale au motif que l’entrée du CHU est entravée.
Les syndicats eux refusent de supprimer le filtrage à l’entrée. Ce désaccord aura suffi à mettre un terme ( provisoire ? ) aux négociations, car sur cette question la direction du CHU se montre tout aussi inflexible.
L’UGTG a donc décidé d’assumer son rôle historique. Les négociations n’étant plus possible ni avec l’ARS, ni avec la direction du CHU. Il ne reste q’une éventuelle solution politique. C’est Josette Borel-Lincertin qui devrait pouvoir prendre le relais, mais la présidente du Conseil Général et du Conseil de Surveillance du CHU, n’a pas comme Ary Chalus ses entrées à l’Elysée. Son poids politique n’est donc pas suffisant pour être écoutée par Macron.
L’UGTG qui a le vent en poupe continue de rameuter ses soutiens et à durcir ses positions. D’ici quelques jours, ce sera la grande rentrée. Il suffit d’une étincelle et la Guadeloupe pourrait une fois de plus basculer dans un grand blocage. Dans une récente intervention Elie Domota a demandé aux guadeloupéens : » de préparer des pierres, de pneus , des palettes, car nous aurons à nous en servir…» et il a été acclamé.
Les politiques qu’on croyait influents sont plutôt très silencieux. Victorin Lurel souvent très actif, est resté disert, car il sait qu’en cas de « grand blocage », ça pourrait comme en 2009/2010 lui profiter politiquement, alors dans l’ombre il se frotte les mains et attend.
Le gouverneur Gustin, quand à lui, laisse Valerie Denux la préfète de santé, seule dans le pétrin. Si ça se déchire et que l’état est contraint face à la menace d’un grand blocage de céder aux syndicats, elle sera vite fait « rapatriée ». C’est déjà dans l’air.
Ce scénario catastrophe, n’en est pas vraiment un… il n’ y aura pas dix ans après le LKP de 2009, un LKP bis , car il risque d’être plus grave, car 10 ans après les contradictions sont sont beaucoup plus vives. Le peuple guadeloupéen souffre, le « carré blanc » et les midi-minuit n’auront pas suffi à calmer la colère qui monte…….
Mais le consensus peut l’emporter. Il faudrait pour cela que Cotellon accepte de discuter sans que l’UGTG ait décidé d’enlever les barrages ou l’inverse.
Est-ce encore possible ?
Danik Ibrahim Zandwonis
daniknews2@gmail.com
CHU : Reprise des négociations
Réponse Syndicat à la reprise des négociations