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Tout va bien dans le IVè Reich : Regards sur le Macronisme

Tout va bien dans le IVè Reich : Regards sur le Macronisme

France. Politique. Tout va bien dans le IVè Reich : Regards sur le Macronisme

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Paris. Samedi 28 septembre 2024. CCN. Le moins qu’on puisse dire, c’est que Macron a volontairement plongé son pays dans une incroyable tourmente. Après avoir dissout son assemblée nationale pour tenter d’obtenir une possible majorité, il s’est vu infligé une cuisante défaite électorale. Mais comme cela ne lui suffisait pas, il a “déterré” Barnier qui a mis en place un gouvernement bricolé à droite et sous contrôle du RN. 

 

L’analyse d’un point de vue marxiste de Dimitri Lasserre, correspondant de CCN à Paris.

1/ Barnier : Le produit de la lutte des classes ?

Que dire qui, ici, n’a déjà été dit au sujet du gouvernement Barnier ? On pourrait répéter, une fois de plus, que c’est un gouvernement de perdants. Que le président Macron a nommé, à sa tête, un personnage politique issu d’un groupe très minoritaire à l’assemblée nationale, personnage lui-même controversé au sein de ce groupe. On pourrait dire, encore une fois, que le président a nié le résultat d’élections législatives qu’il a organisé de son propre chef, contre l’avis unanime de son propre camp. Puis on pourrait s’étonner qu’un président qui, depuis sept ans, agit à de nombreux égards comme un tyran, s’assoit sur le résultat des urnes et décide unilatéralement de nommer un premier ministre qui ne représente rien ni personne – à l’intérieur d’un système de démocratie représentative. Enfin on pourrait toujours, comme le font certains militants d’extrême droite, nier la victoire de la gauche, en arguant que le premier groupe à l’assemblée nationale n’est pas le Nouveau Front Populaire mais le Rassemblement National parce que « le NFP n’est pas un parti mais une coalition de partis en désaccords les uns avec les autres ». Quand ils répètent cela, les militants nationalistes ont vraisemblablement l’impression de découvrir un continent nouveau, alors même qu’ils ne font que réinventer l’eau chaude. Ces nationalistes ont une vision bien à eux de la démocratie. Dans leur paradigme, en démocratie, il n’y a pas de désaccords, de luttes, de compromis au sein d’un groupe politique. Ainsi ses militants se sentent-ils justifiés à discréditer toute alliance politique qui tolèrerait des contraires, jusqu’à nier sa réalité même. La négation de faits simples et établis est un schéma récurrent des modes de pensée fascistes.

Pour aller plus loin, on pourrait redire, avec les marxistes, que le gouvernement Barnier est le produit malheureux de la lutte des classes. La stigmatisation de la gauche, reclassée « aux extrêmes » par les démagogues du camp présidentiel, a servi de justification à son éviction du gouvernement afin de créer un narratif qui, bien que peut-être sincère, a eu pour fonction de masquer les intérêts réels qui ont motivé cette éviction. Il s’agit bien d’une justification, au sens que l’emploie Marx dans sa Critique de la philosophie du droit de Hegel quand il parle, dans un passage célèbre, du rôle joué par la religion au dix-neuvième siècle. Une lecture idéaliste des faits laisserait à penser que la nomination d’un premier ministre à la bordure de l’extrême droite est une nécessité logique, dérivée des dangers et de la déstabilisation devant lesquels courrait la société si la gauche venait à gouverner, risques inhérents à tout ce qui est « extrêmiste ». Qui voudrait d’extrêmistes au pouvoir ? Personne. Donc il est nécessaire de rejeter les extrêmistes et, quitte à faire une petite entorse à la démocratie, la sauver finalement d’elle-même en nommant quelqu’un de plus modéré, de plus raisonnable, de plus pragmatique

2/ Macron : une alliance avec l’extrême droite

Ce même genre de lecture idéaliste aurait pu conduire le quidam au dix-neuvième siècle à penser que la religion structurait l’appareil politique, qui aurait dérivé d’une vision religieuse du monde. Et Marx de rappeler que ce ne sont là que mystifications. L’ordre du discours, l’idéologie, est un récit au service d’un ordre matériel. Il y a deux-cents ans, la religion était un moyen de rendre acceptable le capitalisme, l’exploitation, le désœuvrement. Aujourd’hui, la diabolisation des progressistes réels est un moyen de justifier la nécessité d’un gouvernement libéral, pro capitaliste, pro exploitation, pro désœuvrement. Que le président Macron ait cru ou non à ses propres sornettes n’y change rien, d’autant plus que, faut-il le rappeler, le président a déclaré que, s’il nommait à Matignon une ou un représentant du NFP, « ils abrogeront a réforme des retraites, ils augmenteront le Smic à 1600 euros, les marchés financiers paniqueront, et la France plongera ». Il ne s’en cache même pas. Ce que craint le président, plus que l’arrivée au pouvoir de dangereux extrêmistes, c’est l’abrogation de la réforme des retraites et la hausse du salaire minimum. Ce que craint le président, c’est un gouvernement et des députés qui imposent un rapport de force à la bourgeoisie. Les procès en extrêmisme, les diffamations en antisémitisme, et autres calomnies et mensonges, ne sont rien de plus qu’un produit idéologique visant à faire croire que la nomination au poste de premier ministre de Michel Barnier est une nécessité ; alors qu’il n’en est rien.

Si on se pose la question du souci de l’extrêmisme, on s’aperçoit assez rapidement que, concrètement, notre président est assez peu craintif dès qu’il s’agit de l’extrême droite. Si son narratif exclut toute alliance possible avec la gauche, au motif précisément que cela serait nécessairement impossible, dans les faits, il n’y a pas d’obstacle à une alliance avec l’extrême droite. C’est la voie choisie par le président Macron. Pour l’emprunter, il n’a pas été contraint par des nécessités morales, éthiques, ni même scientifiques, mais par les intérêts de sa classe sociale. Le mot d’ordre « pas d’alliance avec les extrêmes » signifie en réalité : « surtout pas d’alliance avec la gauche ». Car le président n’est pas inquiet de voir arriver au gouvernement des ministres qui défendent des positions misogynes, homophobes, racistes et anti sciences. Non, ce qui l’inquiète, c’est l’abrogation de la réforme des retraites et l’augmentation du salaire minimum. S’il faut sacrifier quelques minorités, s’il faut discriminer une partie de la population, alors on le fera, tant qu’on n’aura pas à abroger la réforme des retraites et augmenter le salaire minimum. Mieux vaut sacrifier des vies humaines que les profits du capital. Que voulez-vous ? On n’a pas le choix. On aimerait bien faire autrement. Mais on n’a pas le choix. Pas de chance.

3/ les pensées décoloniales et post coloniales

Nous voilà rendus à notre dernier point. L’illusion d’un libéralisme et d’un capitalisme progressistes est morte. Le capitalisme est intrinsèquement réactionnaire, structurellement raciste. Le capitalisme n’est pas raciste du fait de contingences mais de nécessités historiques. C’est, du moins, ce qu’enseignent les pensées décoloniales et postcoloniales, qui méritent encore d’être creusées afin de saisir les enjeux des discriminations à l’échelle nationale. L’histoire du capitalisme est rattachée aux exploitations coloniales, au déclassement d’une partie importante des populations humaines, déclassement justifié alors par des nécessités métaphysiques, qui prennent aujourd’hui des formes nouvelles dans les discours racistes. Les fascistes, s’ils ne s’en remettent pas à dieu, comme le faisaient les théologiens d’antan, convoquent le darwinisme social, ou encore une certaine psychologie évolutionniste, pour justifier la déshumanisation nécessaire de tout humain qui ne serait pas blanc et, mieux encore, un homme blanc. L’avantage de ces discours est leur vernis scientifique – malgré leur caractère profondément anti scientifique. On l’a compris, ce qui compte, ce n’est pas la vérité, mais l’apparence de la vérité, tant qu’elle suffit à justifier l’ordre des choses tel qu’il est ; c’est-à-dire le capitalisme, l’exploitation, le désœuvrement de la majorité des êtres humains. Si un libéral autoritaire semblable au président Macron en vient à faire une alliance objective avec des forces racistes, c’est non seulement pour sauvegarder des intérêts de classe (perspective marxiste) mais avant tout, même si cela peut paraître tautologique, parce que c’est possible de les sauvegarder via le racisme (perspective décoloniale). Dans un monde social où le racisme n’est pas sous-tendu par des intérêts matériels, le discours raciste n’a pas de prise. Ce n’est pas un mystère que la plupart des emplois utiles, difficiles et peu rémunérateurs sont occupés par ce que la sociologie appelle des « subalternes ». Il existe, au sein de la société française, au sein des sociétés blanches, occidentales, une hiérarchisation sociale fondée sur l’appartenance raciale. De ce fait ces sociétés sont segmentées par des intérêts de races comme elles le sont par les intérêts de classes. Sans cela, le discours raciste apparaîtrait tel un pur fantasme dénué d’intérêt. L’intérêt théorique du discours raciste réside précisément dans les intérêts concrets de ceux qui y adhèrent, quand bien même les politiques racistes préconisées par ce discours seraient contraires à leurs intérêts de classe. Souvent on se cache et on dit : « l’électeur du Rassemblement National », même, « l’électeur conservateur n’est pas raciste : il craint pour l’avenir, il est désemparé, il ne croit plus dans les politiciens, etc. ». Tout ceci est vrai, comme il est vrai que cet électeur est raciste. La preuve ? S’il voyait, dans la discrimination, l’oppression, la déshumanisation, l’humiliation, l’exploitation pour son propre compte, du non-blanc une pratique insupportable, il lui serait impossible de plébisciter des politiques conservatrices ou réactionnaires. Quand il vote RN en lavant sa conscience par la formule magique « Je ne suis pas raciste », l’électeur d’extrême droite est absolument raciste. Il en va de même pour l’électeur libéral qui, face à la gauche, préfère s’allier à des fascistes au motif de « nécessités économiques ». Cet électeur libéral est, lui aussi, absolument raciste. Ce n’est pas là un fait de sa volonté, mais un fait de sa réalité sociale. Il est important d’insister sur ce point, car ainsi on prend les libéraux au piège de leur propre logique. Eux qui sont si enclins à responsabiliser les individus et à faire résider en leur volonté la cause unique de l’ordre social ne peuvent se dérober devant leurs responsabilités individuelles et l’ordre social raciste qui en découle. A moins, bien sûr, qu’ils soient hypocrites. Assurément, ce sont des hypocrites.

4/ Bruno Retailleau : obsédé par “l’immigration”

 

Si besoin est d’exemplifier, la conséquence de ce racisme structurel, consubstantiel du capitalisme, est la nomination, entre autres, de Bruno Retailleau au ministère de l’Intérieur. On ne dénombre plus ses saillies et autres propositions politiques racistes. Obsédé par « l’immigration », par les « Français de papiers », la suppression de l’AME, les permis de séjour, et le « désordre » qui en est supposément l’effet, ce ministre peut dérouler un discours raciste sans contradictoire sur les médias les plus importants à des heures de grande écoute. Le président Macron, qui voulait « affronter les extrêmes », a permis l’intronisation de ce genre de personnage au plus haut niveau de l’Etat. C’est dire la peur que l’extrême droite inspire à ce menteur.

Je dirai, pour conclure, quelque chose d’un peu plus personnel. Peut-être mes lecteurs reprocheront à mon propos son caractère trop systématique. Et d’expliquer ainsi, de manière systématique, des événements ponctuels et peut-être autonomes. Mais je ne crois pas en l’autonomie de l’événement politique vis-à-vis de l’ancrage historique de la politique en général. C’est une chimère. D’un point de vue plus personnel, alors, en tant qu’homme blanc, je ne peux qu’avoir honte de ce que font mes semblables, honte d’appartenir à une société qui sera, selon toute vraisemblance, jugée sévèrement, et à raison, par l’histoire. Le racisme est profondément ancré dans notre corps social, et ainsi l’est-il en nous, en tant qu’individus. A la fin du Manifeste communiste, Marx et Engels en appellent à l’union des « prolétaires de tous les pays ». Cette union n’aura pas lieu tant qu’une partie du prolétariat obéira à des logiques racistes. Les capitalistes, eux, y sont déjà entièrement soumis. Mais il ne saurait y avoir de renversement idéologique sans luttes concrètes. Il est urgent de soutenir les luttes sociales aux côtés des victimes du racisme, du colonialisme et du néocolonialisme, et ainsi de se désolidariser de ceux qui appliquent des politiques racistes, colonialistes et néocolonialistes. Il est urgent, en y participant, de visibiliser ces luttes, sans pour autant se les approprier au point de les aliéner – et rentrer ainsi dans un nouveau processus colonial. Dépasser l’universalisme formel et viser l’universalisme réel, voilà, je crois, le mot d’ordre de toute force progressiste. Cela prendra sûrement du temps, mais ne désespérons pas. Les avant-gardes sont minoritaires. Elles le sont par définition. Cela ne signifie pas qu’elles échouent.

Dimitri Lasserre  professeur de philosophie, chercheur en philosophie.
Dimitri Lasserre 
professeur de philosophie, chercheur en philosophie.

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