Brésil. Le Brésil de Lula
Brasilia. Jeudi 1 février 2024. CCN/Bolivarinfos/Françoise Lopez. Il reste plus de trois ans à Lula pour ce mandat. Si il se présente à sa réélection, il pourra encore avoir sept ans comme président du Brésil. Ce serait une période historique très spéciale à cause de sa durée et de la force de l’autorité de Lula. Ce serait une période dont le pays pourrait sortir profondément changé avec des changements structuraux et, dans la mesure du possible, irréversible. Ce serait une limite historique qui définirait un avenir différent pour le Brésil.
Ce gouvernement de Lula fait partie du processus de dépassement du néolibéralisme après la période néolibérale et autoritaire de Bolsonaro. Le modèle économique actuel est déjà différent. La priorité n’est déjà plus l’ajustement fiscal mais la mise en place de formes de politiques sociales différentes et variées. Il ne s’agit déjà plus de l’État minimum mais, au contraire, du renforcement de la capacité d’intervention de l’État. Il ne s’agit plus de mettre en place des accords de libre commerce avec les États-Unis mais de développer des politiques d’intégration régionale et d’échange sud-sud dans le monde.
Le Brésil de Lula s’intègre parfaitement dans ce processus de sortie du néolibéralisme. mais ce modèle continue à être prédominant au Brésil. L’axe de l’économie continue à être le capital spéculatif parce que l’attraction du capital envers la spéculation est due au taux d’intérêt supérieur au taux des bénéfices, c’est-à-dire que le taux qui vient de l’investissement sur le marché des valeurs supérieur au taux des investissements productifs.
Mais le Brésil de Lula ouvre la porte vers le dépassement du néolibéralisme. Le pays reçoit une grande quantité d’investissements étrangers pour son industrie. Il élargit son marché interne de consommation ainsi que sa force de travail. Il renforce sa structure productive, sa dynamique de commercialisation et le financement d’investissements.
On ne peut pas dire que les structures néolibérales sont déjà été dépassées mais il existe une dynamique économique qui avance dans cette direction. Une période historique comme la période actuelle pourrait être une ligne de démarcation dans l’histoire du pays si elle obtient une économie basée essentiellement sur la production en affaiblissant les mécanismes spéculatifs.
C’était la situation du Brésil au début du siècle–une période qui a coïncidé avec les Gouvernements du PT–jusqu’au coup d’Etat contre Dilma Rousseff qui a imposé un modèle économique nélibéral. Le retour de Lula à la présidence du pays permet de reprendre le modèle anti-néolibéral.
Mais ce rétablissement se produit dans des conditions différentes de celle des Gouvernement précédents du PT. Premièrement, le Gouvernement n’a pas la majorité au congrès. Il doit négocier pour que ses projets soient approuvés par la Chambre et le Sénat. Cette négociation non seulement implique pour le moins des changements dans ses projets mais peut également inclure la nomination de politiciens du centre et même du centre droite au Gouvernement.
D’autre part, l’héritage reçu par Lula lors de son troisième mandat inclut un président de la banque centrale de droite et néolibéral qui préserve un taux d’intérêt faramineux, ce qui provoque une décélération du rythme de récupération de la croissance économique. Cette situation affecte les deux premières années du mandat présidentiel, c’est-à-dire qu’il reste encore un an de coexistence entre des positions économiques anti-néolibérales et néolibérales.
L’alliance avec des forces du centre du centre-droite sera maintenu jusqu’aux prochaines élections, c’est-à-dire au moins encore trois ans. Dans ces conditions, le Gouvernement de Lula continuera jusqu’à une éventuelle réélection, ce qui projettera un Gouvernement dans des conditions différentes. Nous aurons le Brésil de Lula pour longtemps.
Par Emir Sader
Traduction Françoise Lopez pour Amérique latine–Bolivar infos
Source en espagnol :
https://www.resumenlatinoamericano.org/2024/01/30/pensamiento-critico-el-brasil-de-lula/