La Guadeloupe. lundi 20 avril 2020.CCN. Sherline Gourdet est une Afro-descendante des îles de la Caraïbe, très passionnée des neurosciences du comportement humain. Elle est donc psychologue, formatrice et directrice de cabinet de conseil dans la conduite du changement des entreprises. En mars 2019, elle créé l’association « Psychologies Caraïbe » afin de vulgariser la psychologie à travers la prévention psychique, la promotion psychosociale par de l’animation spécialisée pour tous. Entre 2 télé-consultations Sherline a accepté de répondre aux questions de CCN. Un entretien qui répondra sans aucun doute aux attentes de nombreux confinés : C’est à lire…
CCN. La psy qui est une science, née en occident est elle « adaptée » ou doit- elle s’adapter à nos mœurs, habitudes ( langue créole, rites magico-religieux, sorcellerie, identité multiple), qui sont très différentes de celles des occidentaux ?
SG. Chaque culture, à ses conceptions normatives pour définir le normal et l’anormal. La psychologie permet d’apporter, une analyse sur le plan clinique de la souffrance émotionnelle existentielle causée par la maltraitance. La colonisation en tant qu’atmosphère de négation communautaire, mais aussi individuelle, morcelle les individus, aliène leur unité psychique, voire physique, conséquence de somatisation, de torture, ou de violences et laisse des traces indélébiles dans les consciences et les inconscients des peuples colonisés, prêtes à ressurgir, à s’amplifier à tout moment.
L’analyse des structures psychologiques différenciées, permet de comprendre, les rapports des peuples afros-descendants. On dénote des tensions inter et intra-personnelles, par la manifestation pathologique la plus visible, l’isolement existentiel. Le syndrome de l »isolement existentiel, renvoi l’individu à rétablir son unité au détriment du bien-être de l’autre. Le choix des modalités d’expression, de communication et d’explication de cet isolement est profondément influencé, par la culture de groupe ou familiale, qui offre un éventail culturel significatif d’idiomes, permettant à l’individu d’expérimenter et de communiquer sa souffrance. Pour permettre à son entourage de décoder ces manifestations, pouvant se déclarer jusqu’à des années, chez les victimes, voire chez leurs descendants.
Les peuples colonisés, vouées au déracinement culturel, au vol des terres et l’intrusion d’un système hiérarchisé, fondé sur l’exploitation aussi bien matérielle qu’humaine au profit d’un système commercial, continental, étranger et aliénant créé des traumatismes et transmissions transgénérationnelles. Les manifestations les plus courantes que j’ai rencontrées en outre-mer, notamment en Guadeloupe, sont des personnes avec des problèmes divers tels que la violence inconsciente dans toute manifestation de lien avec l’autre, les addictions psycho-actifs dès le plus jeune âge, les tentatives de suicides, les crises psychotiques, la dépression et l’extrême violence envers autrui sous l’étiquette de la détresse psychologique ou de la souffrance psychique, ce qui me permet de les appréhender comme des manifestations d’une souffrance sociale partagée.
J’apporte une approche globale et interdisciplinaire en prenant en compte l’individu dans sa diversité et sa particularité interculturelle, psychologique, anthropologique, sociale, philosophique, familiale et individuelle afin de m’adapter à l’inter-culturalité.
CCN. Depuis quelques années la pratique du coaching s’est énormément développée en Guadeloupe, est-ce au détriment de la psy ? Psy et Coachs êtes-vous complémentaires?
SG. Un psychologue est titulaire d’un master2 en psychologie ou a un titre de psychologue protégé par la loi, pour lequel il a choisi une ou des spécialisations (psychologie clinique, psychologie du travail, psychanalyse). Le psychologue se réfère au code déontologique des psychologues. Certains exercent en entreprise, auprès des administrations, d’autres en cabinet. Un (psychologue, psychothérapeute, psychiatre) s’adresse en général à la globalité de l’individu. De manière générale, un psy (psychologue, psychothérapeute, psychiatre) aide une personne dans des situations pouvant aller de l’inconfort journalier à la maladie. Il se concentre sur le passé et aide son patient à guérir. Le travail en psychothérapie est généralement long. En effet, les consultations en thérapie s’inscrivent dans la durée afin de comprendre le passé et pourquoi le patient est la personne qu’il est. La thérapie est basée sur un travail en profondeur, une recherche du » pourquoi » d’un symptôme, d’un mode de fonctionnement via des prises de conscience de certains évènements ou constructions du passé pour aller vers une reconstruction et un mieux-être, une autre façon de vivre avec son histoire.
Un coach est un professionnel de l’accompagnement opérationnel, il fixe un changement de comportement précis. Celui, qui s’adresse à un coach ne se vit pas comme » malade » ou » dysfonctionnel » le recours à un coach à une image plus positive. En coaching, le client présente une demande précise avec objectifs pour et par lui-même relatifs aux changements qu’il souhaite opérer, aussi bien dans la vie professionnelle, que dans la vie privée. Le coach accompagne, (le psychologue, le psychiatre, psychothérapeute) est là pour soigner le patient dans sa globalité. En revanche, le risque de la mode du coaching est d’ouvrir la porte aux dérives, car l’appellation de coach n’est pas contrôlée (seule la Société française de coaching sélectionne ses membres sur leur qualification et leur impose une éthique professionnelle). De manière générale, le coach n’est pas censé se substituer à un autre professionnel (notamment un psychologue, psychiatre, psychothérapeute), cependant, il conseillera de consulter un (psychologue, psychiatre, psychothérapeute) si nécessaire, en complément ou à la place de sa prestation. Coach et (le psychologue, le psychiatre, psychothérapeute) ont le point commun majeur qu’ils s’occupent du mieux-être d’un individu. En revanche, méthodologies, formations, durée et approche de travail, beaucoup de points diffèrent. Les deux pratiques peuvent être complémentaires. Le choix entre l’un ou l’autre est établi selon la « santé mentale » du patient/client. Un grand nombre de (psychologue du travail, psychothérapeute) proposent déjà des démarches de coaching. Et certains changent de nom pour le terme » coach » car c’est plus valorisant.
CCN. Le confinement aura sans doute des conséquences sur le mental (la psy) des gpéens, comment la psy pourra t elle nous aider lors du dé-confinement?
SG. La psychologie permet d’analyser les causes de la crise sanitaire et du confinement sur la santé mentale des individus. Vivre dans un contexte d’épidémie n’est évidemment pas neutre d’un point de vue psychique. Les conséquences du confinement se composent des trois peurs les plus fortes chez l’être humain :
– la peur de la mort (le virus tue),
– la peur de l’avenir pour ses enfants
– et la peur économique (perdre son emploi).
Les gens peuvent suivre ces gestes barrières de protection psychologique.
– Se déconnecter des informations, ne s’autoriser qu’un certain volume horaire dans la journée.
– Elaborer une routine rigoureuse pour la semaine, et une autre pour le week-end, garder des repères fixes.
– Manger sainement.
– Faire de l’exercice physique.
– Se connecter via les outils de communications à ses proches, ses voisins, pour s’entraider, se rassurer, échanger.
– Si l’on a des enfants, s’en occuper pleinement à certains moments, puis travailler pleinement à d’autres. Ne pas tout mélanger.
– Rester en contact avec la nature (qui agit comme un anxiolytique naturel), si c’est possible. – Jouer avec un animal de compagnie, si c’est possible.
– Lire des romans, pour s’évader et stimuler notre imagination et nos émotions positives. – Se replonger dans ses valeurs psychiques refuges (musiques, souvenirs heureux, films, photos…) pour générer des émotions positives.
– Faire des exercices de respiration.
– Se projeter dans le futur, avec nos envies, nos passions
– Faire du sport
– Faire des projets pour après le confinement.
Le confinement est un événement traumato-gène que l’on soit directement concerné ou plus à distance : cela nous confronte directement à la mort, ou du moins à une menace de mort. Ce genre d’événement peut générer une forte charge émotionnelle très difficile à contrôler pour les Guadeloupéens, pouvant avoir de nombreuses répercussions sur le plan psychologique. « Fatigue émotionnelle, troubles du sommeil, préoccupation permanente concernant l’avenir, peur des autres, altération du jugement, troubles de l’humeur, tendance à l’hypocondrie.
C’est cette batterie de répercussions psychologiques que nous retrouvons depuis le début de l’épidémie du Covid-19. Cette situation épidémique peut affecter la santé mentale de tout le monde d’une certaine manière et on a tous notre propre façon de réagir. « Certaines personnes peuvent se sentir dépassées par les événements et ne pas comprendre ce qu’il se passe, d’autres peuvent éprouver de la peur ou de l’anxiété au quotidien. Mais si certaines ont des réactions mesurées et réfléchies, d’autres réagissent de manière plus vive.
Les réactions dépendent donc de nombreux facteurs tels que notre exposition face à l’épidémie, nos expériences antérieures d’événements stressants, le soutien de notre entourage, notre santé physique, notre âge, nos antécédents personnels de troubles liés à la santé mentale.
Même si l’isolement est aujourd’hui mis en place pour des raisons préventives, très peu de patients se disent soulagés par cette précaution.
On voit bien que les aspects négatifs prennent largement le pas sur le reste. La quarantaine est donc une expérience potentiellement traumatisante pour certains et, comme tout trauma, les symptômes (comme les troubles du sommeil, les troubles de l’humeur, une anxiété généralisée, allant jusqu’à une dépression où un syndrome du stress post-traumatique) peuvent se manifester à distance, soit des mois ou des années plus tard sous forme de flashbacks, d’attaques de panique, d’état pathologique d’alerte ou de vigilance. Il n’existe pas de typologie de la personne qui présenterait plus de risques de décompensation psychologique qu’une autre.
Malgré tout, si on a une tendance à l’hyper-anxiété, si on est hypocondriaque ou si on traverse un épisode dépressif, mieux vaut prendre les devants en s’adressant à un psychologue qui pourra nous aider à traverser cette période, nous dire des mots rassurants et soulager les symptômes liés au stress