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Gwadloup.Nationalisme : Osons le débat ! (partie 2)

ary broussilon

Gwadloup.Nationalisme : Osons le débat ! (partie 2)

By Ary Broussillon

Le mouvement anticolonialiste guadeloupéen est dans un « kat chimen »…… Lire la première partie de l’article

Aujourd’hui, les discussions doivent reprendre en les contextualisant. Il ressort comme impérieux, à la veille de l’entame de la dernière année de ce quart du 21ème siècle, de les conduire en tenant compte des évolutions qu’a connues la société guadeloupéenne et le monde, et en procédant donc à un réexamen de :

  • Sa composition ethno-raciale, sociale et démographique (vieillissement, recomposition sociologique, moyennisation de la population, accroissement de la pauvreté et du chômage).
  • L’impact des migrations et de la diaspora
  • L’évolution des structures familiales et des modèles de parenté
  • La réalité socio-économique : nouvelle répartition des catégories sociales, socio-professionnels et des classes sociales
  • Les niveaux et modes de vie,
  • Les attentes et aspirations profondes du peuple et des différentes couches sociales
  • Les mobilisations sociales, citoyennes et politiques
  • L’évaluation du degré d’adhésion ou de rejet des idéaux portés par les organisations et partis anticoloniaux : dans quelle mesure résonnent-ils avec les réalités quotidiennes du peuple ?
  • Le contexte géopolitique influençant nos relations avec la France et le monde.

Il s’agirait in fine, de se poser la question de savoir si sont réunies les conditions du changement qu’il ne s’agit pas d’attendre et d’espérer mais de provoquer. Quelles sont-elles ? Je ne peux pour l’heure et en toute humilité que donner quelques pistes en rappelant quelques « fondamentaux » qui je le répète ne sont pas des dogmes et peuvent être corrigés voire balayés dans le débat que j’appelle de mes vœux :

1. Conditions objectives : Une crise systémique

  • Un effondrement ou une incapacité des structures de pouvoir en place à répondre aux besoins fondamentaux des Guadeloupéens
  • L’existence de contradictions structurelles insurmontables (pauvreté endémique, chômage massif, discriminations systémiques).
  • Une perte de légitimité des élites ou des institutions dirigeantes (corruption, crise morale ou politique).

2. Conditions subjectives : Une conscience collective et une volonté de changement

  • L’émergence d’un sentiment partagé que la situation actuelle est insupportable et qu’un changement est indispensable.
  • Une conscientisation/politisation des gens : les Guadeloupéens doivent non seulement être mécontents, mais aussi croire en la possibilité d’un avenir différent et être prêts à agir pour l’obtenir.
  • Un projet ou une idéologie mobilisatrice qui peut donner un sens à la lutte (par exemple : anticolonialisme, justice sociale, souveraineté).

3. Un leadership et une organisation structurée

  • L’existence d’un leader charismatique (individuel ou collectif) capable de mobiliser le peuple guadeloupéen (à l’exemple de ce que la Guadeloupe a connu avec le LKP) et porteur d’une vision cohérente.
  • Une stratégie claire et une organisation disciplinée qui peut canaliser l’énergie des Guadeloupéens mobilisés et répondre aux défis pratiques de la lutte.
  • Une coordination entre les différents groupes sociaux et organisations engagés dans la lutte.

Il y a donc ENORMEMENT à faire AUJOURD’HUI. C’est pour cela aussi et surtout, qu’aucun militant ni organisation, sincèrement engagés dans le combat pour la souveraineté et l’émancipation nationale, sociale, humaine, ne peut se contenter ni d’un indépendantisme soft, mesuré, réformiste, ni non plus d’un sloganisme stérile, caractéristique d’une pensée bwanhang. Le Mouvement national guadeloupéen a prioritairement besoin d’un débat fécond, porté par une pensée structurée et éclairée.

L’émancipation ne se décrète pas : elle se construit, pas à pas, à travers une lutte nourrie par une analyse rigoureuse et une vision partagée, à laquelle d’ailleurs les intellectuels doivent concourir. La tendance à les disqualifier « par principe » dès lors qu’ils divergent d’avec une certaine doxa militante est tout simplement contre productive. Je préfère pour ma part la confrontation intellectuelle, même avec ceux qui ont choisi courageusement de se cantonner au rôle de « conseillers des puissants ».

À cet égard, contrairement à ceux-ci, les intellectuels militants, patriotes, révolutionnaires doivent prendre toute leur place dans la réflexion en actualisant certes leurs cadres doctrinaux. Chacun, dans sa discipline, qu’elle soit sociologique, anthropologique, historique, économique, démographique, philosophique ou autre, se doit de contribuer autant qu’il le peut et autant que le commande les tâches de l’heure, à une plus juste analyse, à une meilleure compréhension des transformations de notre société et à une définition plus complète et plus précise des orientations et des tâches qui s’imposent au Mouvement et à sa direction. Ainsi que le dirait Antonio Gramsci, ils doivent être non des « intellectuels traditionnels » engoncés dans une prétendue neutralité et objectivité scientifiques et non partisanes, mais plutôt des « intellectuels organiques » agissant pour transformer la société en accompagnant la lutte de leur peuple. Certes, ils ne sont pas les seuls à devoir faire l’effort de « théoriser », mais ainsi que le disait encore Gramsci, « tous les hommes sont des intellectuels, mais tous n’ont pas dans la société la fonction d’intellectuel. » (« Cahiers de prison »).

Frantz Fanon ajoutait, nous concernant : « L’intellectuel colonisé, s’il décide de revenir vers son peuple à travers une posture de militantisme, devra rendre intelligibles au peuple les changements, les mutations, les bouleversements qu’il projette. » (« Les Damnés de la Terre »). C’est pourquoi écrivait-il, « l’intellectuel doit identifier avec la plus grande clarté les mécanismes et les flux de la praxis dans laquelle il est engagé. » (« Pour la révolution africaine »).


C’est en agissant de cette manière et en nous comportant ainsi, dans le débat et la confrontation, que nous pourrons dépasser les querelles stériles pour offrir au peuple guadeloupéen une véritable perspective de libération nationale et de transformation sociale. Il ne suffit pas de se battre : il faut aussi savoir pourquoi et pour quoi nous nous battons. C’est cette clarté théorique qui donnera à notre lutte toute sa puissance.

Les désaccords, nombreux et parfois exacerbés, touchent, je l’ai dit, des questions fondamentales. Faut-il les éluder ou, au contraire, les affronter avec lucidité et honnêteté ? Je prends le parti du débat en faisant le pari qu’aussi complexe soit-il, il peut devenir une force motrice, à condition d’être conduit dans un esprit constructif et responsable ; à condition donc que chacun se hisse à la hauteur de l’enjeu.

Débattre et agir : un double impératif

L’urgence est double : il faut débattre et agir. Ces deux dimensions sont complémentaires, non opposées.

Oui, il faut ouvrir le débat, s’affronter en confrontant les idées et les expériences. Cependant, nous le savons : nous ne pouvons pas tout arrêter pour débattre.

Le combat contre les injustices, kont tout pwofitasyon, doit se poursuivre dans les entreprises, dans la rue, dans les villes, les bourgs, les sections et les quartiers, jour après jour et résolument. Il n’y a ni rentrée politique ni rentrée syndicale : la lutte c’est toultan.

Ces luttes quotidiennes sont indispensables et doivent être menées résolument et pied à pied. Elles nourriront le débat, l’éclaireront et le rendront plus pertinent. C’est d’elles aussi que « jaillira la lumière ». L’action quotidienne contre les injustices doit s’accompagner d’une réflexion stratégique pour construire l’avenir. Le débat doit structurer l’action, et l’action doit enrichir le débat.

Je demeure convaincu de la justesse de cette idée et de ce principe du matérialisme dialectique selon lesquels c’est dans et par la pratique que naît la connaissance et que lorsque cette connaissance, forgée par l’expérience, atteint un certain niveau, elle devient à son tour un guide pour perfectionner la pratique.

En effet, les luttes quotidiennes des travailleurs et des gens, qu’elles soient syndicales, politiques ou citoyennes, révèlent des réalités concrètes : des injustices, des contradictions sociales, et des stratégies de domination. Ces réalités deviennent la matière première de la réflexion théorique. Les victoires, les échecs et les défis des luttes sur le terrain permettent d’identifier les structures d’oppression, les modes d’exploitation et les dynamiques de pouvoir. L’observation expérientielle de ces situations permet d’adapter les cadres d’analyse à la réalité vécue. En retour, la théorie aide à décoder les mécanismes de domination et à anticiper les stratégies adverses, pour orienter le combat émancipateur. Cette idée est ainsi résumée par Lénine : « Sans théorie révolutionnaire, pas de mouvement révolutionnaire. » (« Que faire ? »)

Il importe donc de concevoir la lutte comme praxis qui selon l’approche marxienne, désigne l’unité dynamique entre action et réflexion. L’action nourrit la réflexion, qui à son tour améliore l’action. Che Guevara avait bien identifié cette problématique en écrivant que « La praxis est la seule preuve de la vérité. »

La relation entre théorie et pratique, en particulier dans le contexte des luttes sociales, est une dynamique dialectique où chaque élément nourrit et renforce l’autre. Jijé an Gwadloup comme dans toute situation coloniale ou postcoloniale, où les luttes quotidiennes prennent une dimension existentielle et structurelle.


Si le débat est indispensable et si je plaide pour qu’il s’ouvre enfin, cela ne signifie donc aucunement qu’il faut mettre la lutte pratique en « pause » pour réfléchir. Cela ne signifie pas non plus que les controverses même publiques ne doivent plus avoir cours. Awa. Ce sont les outrances verbales entre organisations et militants anti-colonialistes qui doivent cesser parce que nuisibles. Ce qui doit cesser ce sont les accusations péremptoires, les qualificatifs insultants qui ne servent ni aux uns ni aux autres et ne contribuent en rien, en rien du tout, à l’avancée de la lutte.

Appel à la responsabilité collective

Nous sommes dans l’attente d’un consensus qui pourrait prendre corps dans un projet politique porteur d’espoir et de transformation profonde. Ce consensus n’a besoin que d’une organisation et d’une voix pour s’exprimer pleinement. Les contours et les principaux axes d’action de cette nouvelle force politique restent encore à préciser. Elle se distinguera très probablement de celles qui l’ont précédée. Cette différence se donnera à voir autant dans le contenu de son programme et de sa stratégie que dans sa manière d’exercer la politique et d’organiser ses structures.

En tout état de cause, aujourd’hui, alors que les défis sont immenses et les espoirs nombreux, le temps est venu de dépasser les blessures et les querelles qui nous retiennent. Nous sommes tous bien conscients que JA KA TA. Face à cet état de fait, une question s’impose : comment redonner souffle et direction à la lutte pour la libération nationale et l’émancipation sociale et humaine ?

La réponse ne viendra ni de l’exclusion, ni du repli sur soi. Ce dont nous avons besoin, c’est d’un espace où toutes les composantes du mouvement puissent s’exprimer librement, confronter leurs idées, lever les doutes (ou les confirmer), clarifier les désaccords, les malentendus, les incompréhensions et trouver des points de convergence. Ce dont nous avons besoin, c’est d’un véritable débat collectif, animé seulement par une volonté commune de reconstruire l’unité sur l’essentiel.

Ce débat ne sera pas facile. Il exigera de chacun humilité, écoute et ouverture. Il nous contraindra à affronter des questions difficiles : sur nos priorités, sur nos méthodes, sur notre vision de l’avenir. Mais il est indispensable. Car sans cela, nous courons le risque de voir le mouvement anticolonialiste et révolutionnaire s’enfermer dans une impasse et péricliter ; ce à quoi je ne peux me résoudre. Nous ne pouvons en effet prétendre bâtir un avenir collectif si nous restons enfermés dans des oppositions stériles ou dans le poids de nos rancunes.

Sur le Péyi Gwadloup et le peuple guadeloupéen plane la menace d’une réelle « disparition ». Sauf à vouloir périr tous, partis, organisations et mouvements anticolonialistes et révolutionnaires de Guadeloupe, nous voilà désormais condamnés, à « marcher ensemble et frapper ensemble » dans un mouvement unitaire, autour d’une direction politique garantissant le maintien du cap que nous définirons aussi ensemble. La rencontre est urgente. Le débat est nécessaire. Nous sommes plus que jamais pressés par le temps.

Alors OSONS ! Osons le débat. Invitons syndicats, partis, associations, intellectuels et militants de terrain à se retrouver ; non pour effacer les différences, mais pour en faire des forces complémentaires ; non pour chercher un consensus artificiel, mais pour « faire le point » et poser les bases d’une action commune ; non pour renier nos histoires, mais pour les transcender au service de nos idéaux. Je crois aux alliances conflictuelles.

Le peuple guadeloupéen mérite un mouvement fort et uni. Le combat émancipateur nécessite une unification des forces progressistes, patriotiques, nationalistes, révolutionnaires au sein de ce même mouvement fédérateur. Un mouvement capable de répondre aux aspirations profondes de justice, de liberté, de souveraineté et de dignité. Cette responsabilité est la nôtre.

Que chacun prenne la mesure de l’urgence. L’heure est venue de parler, de débattre et d’agir.

L’histoire nous enseigne que les luttes les plus justes, les victoires les plus décisives, naissent de la capacité d’unir toutes les forces vives d’un peuple. Dans le débat qui s’annonce, et dans le mouvement unificateur qu’il importe de construire, les forces sociales, en particulier celles des travailleurs et de leurs organisations, occupent une place déterminante. C’est en prenant appui sur leurs aspirations, leurs combats, leurs souffrances et leurs espoirs que notre Union pourra véritablement parler au nom de la grande masse du peuple. Sans elles, aucune légitimité, aucun enracinement véritable ne sera possible. Il ne s’agira pas uniquement de prendre appui sur elles en tant que « force motrice », et force de frappe, mais aussi et surtout porter leur voix et leurs revendications.


Il est donc plus que temps puisque JA KA TA, que toutes les composantes de ce grand mouvement – syndicats, organisations politiques, mouvements sociaux, intellectuels, artistes, militants de terrain – puissent comme ces « planteurs aux mains fertiles » se rencontrer pour s’accorder pour le travail commun. C’est ce que je veux et ce que je vœu pour le Péyi-Gwadloup, faisant écho ainsi au poète : « Cette igname brisée qu’est ma terre natale, je veux lui donner racines malgré ses lianes tordues au gré des éphémérides. Je veux, pour elle, des planteurs aux mains fertiles au lieu de consommateurs compulsifs, des semeurs d’harmonies tempérées plutôt que d’improbables rhéteurs, la fourmi laborieuse au lieu des éléphants qui trompent, la création plutôt que la contemplation. » (Sony Rupaire, Grand prix du Conseil Général 1988).

Sa ki vayan lévé lanmen !

1 réflexion sur “Gwadloup.Nationalisme : Osons le débat ! (partie 2)”

  1. anfen on entélektchuel ka pwan lapawòl.JÀKATA tan a jé a zanfan fini JAKATA. praxis la fo Nou métey an sèvis a lékonomi, fo nou pwan le pouvoir économique sa ka pasé pa envestisman a larel sociologique, anthropologique, socioculturel, fo Nou arété révé au « Grand Soir » arété envoké lendépandans mé travay pou lendépandans konkrètman.

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